Longtemps repoussé, et maintes fois acclamé en live où la dame s’est déjà forgée une solide réputation, l’album de Nadj sort enfin, par ce beau mois de janvier qui hésite entre le froid rageur et le froid sensuel.
Là est ici. Dans les bacs. Et la grenobloise semble avoir des choses à dire, à hurler, vociférer. Chanter tout simplement. Car au-delà du cliché sur le premier album, condensé de toute une vie, Là semble être un premier album. Condensé de toute une vie.
Et l’on devine, au détour du riff rageur d’Idée fixe, que la dame a rongé son frein, attendu son heure et le moment de monter sur scène pour brancher l’ampli. Nad pratique le rock à sa manière, dans la langue de Mathieu Chédid, mais avec la colère des rockers insatisfaits à la recherche du larsen.
Recherche de bruit autant que de mélodie, Là s’installe entre le rock FM et le garage métal avec lequel Nadj flirte sans jamais aller plus loin. La pilule, justement, confirme cette impression, le refus du choix, de peur de se perdre, mais la maîtrise du cap malgré tout. Car Là, quoi qu’on en dise, s’inspire hautement de Polly Jean Harvey, période Dry, pour la rugosité des guitares qui collent au médiator, et la production souvent minimaliste, toujours électrisée.
Résumer Nadj à PJ reste en soi une évidence, comparaison tentée des qu’une femme prend une guitare, et cesse d’être groupie, quitte à tenter l’accalmie sur "Là", chanson éponyme qui prouve que la dame peut également miauler sans rugir. Et garder la voix féline qui griffe l’auditeur. Bien plus que son clone taillé pour les ondes et la pompe à fric, Mademoiselle K.
Si les paroles, françaises hélas pour remplir les fameux quotas, brassent les éoliennes, et abordent le général sans approfondir, la mélodie de "Je n’ai plus sommeil" reste intacte. Parfaite, riff de guitare qui colle sec au bitume, voix aigue qui décolle, autour d’un ensemble basse-batterie classique, mais efficace.
Les titres s’enchaînent, avec leur lot de faiblesses ("J’essaie", "File") et étonnamment la sauce prendrait presque plus facilement sur les titres apaisés tels que "Les cibles" ou "Le sens des choses", chansons pour filles pas sages qui aiment autant les violons que la Strato. Mais qui quand même, au fond, préfère le rock version Queen of the Stone Age (le pétillant "Nos particules").
Indéniablement, c’est en live que le rock prend toutes ses formes, puise sa force et se transmet. Et le concert de la Boule Noire, matraquée par une Nadj goguenarde et impatiente, ne pouvait que confirmer l’urgence d’un album assez inégal sur Cd, mais hautement énergique sur scène.
L’occasion de découvrir l’agaçant "Tu joues quoi", qui en dépit de ses paroles absurdes, attaque le tympan et ne le lâche pas, même plusieurs heures après.
Voila donc, dans la famille compliquée du rock français, l’une des meilleures cartes au premier album prometteur qui dépassé les préjugés. Le genre de nana qu’on aimerait voir combattre contre Mademoiselle K dans la boue, juste pour la victoire. Car la dame n’est pas femme, elle est rocker. |