Comédie dramatique d'après "Aoï", un Nö moderne de Yukio Mishima, dans l’adaptation de Marguerite Yourcenar, mise en scène de Fernando Suarez, avec Barbara Grau et Thibaut Lacour.
Un homme vient voir sa femme hospitalisée dans une clinique qu’une infirmière lui précise être spécialisée dans le traitement des troubles sexuels et reconnaît en une visiteuse inattendue son ancienne maîtresse. Voilà ce qui pourrait être l’argument tangible de ce conte fantastique qui navigue entre onirisme, fantasme et psychose.
Mais "La dame d’eau", adaptation de "Aoï" de Mishima, le père du Nô moderne, ne peut être abordée selon les codes narratifs et dramaturgiques usuels qui sont inapplicables dans un monde étrange défini par la confusion des temps et des lieux.
Ce conte repose sur la pérennité indestructible de certains liens qui se sont noués entre deux amants ("En ce temps là, j’étais instable et vacillant. Je cherchais une chaîne. Je cherchais une cage où m’enfermer. Vous avez été cette cage. Puis quand j’ai voulu de nouveau être libre, vous êtes restée la cage, la chaîne."). La passion est un poison noir et incandescent qui s’insinue à jamais dans leur cœur et dans leur âme.
Ensuite, qu’importe la séparation, l’absence, la mort, l’instant de cette fusion devient l’éternité. Rien ni personne, pas même les protagonistes, ne peut rompre cette chaîne.
On ne sait dans le rêve ou dans le fantasme de quel personnage on se trouve. Peut être s’agit-il du propre rêve du spectateur. Dans lamise en scène très épurée de Fernando Suarez, un masque de plâtre blanc et un immense éventail rouge en guise de voile restituent l’univers esthétique de Mishima dans lequel Barbara Grau et Thibaut Lacour entretiennent bien cette ambiguïté et donnent juste ce qu’il faut de substance corporelle à leur personnage pour douter de leur réelle présence physique et créer l’illusion de l’illusion.
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