Comédie dramatique de Jon Fosse, mise en scène de René Loyon, avec Pierre Barrat, Anne Bellec, Catherine Benhamou, Marie Delmarès et Serge Maggiani.
Le théâtre contemporain scandinave n’est pas un théâtre festif mais un théâtre métaphysique sur l’angoisse existentielle.
Ainsi à l’affiche actuellement "L’usine", "Ténèbres" et "Munich-Athènes" des suédois Magnus Dahlström, Henning Mankell et Lars Norèn explorent la quête d’identité et de sens d’individus en proie à des convulsions psychotiques, et réduits à une interminable attente, et la violence des relations humaines, ou de leur absence, qui en découlent que ce soit dans le cadre du monde du travail, de la famille ou du couple.
"Rêve d’automne" du norvégien Jon Fosse s’inscrit complètement dans ce registre tout en allant encore plus loin dans le radicalisme de l’écriture et l’humeur noire des personnages, celle qu’on nomme mélancolie, qui provoque le ressassement perpétuel de traumatismes émotionnels qu’ils n’ont pu ni assumer ni dépasser.
Dans un cimetière, lieu ambivalent par excellence, monde de l’intemporalité et symbole de la fugacité du temps à l’échelle humaine, un banc, quelque part, aujourd’hui, hier ou demain, dans la confusion des temps et le morcellement des histoires, cinq personnages, la mère, le père, le fils et ses deux épouses se croisent, parlent sans s’entendre, répètent inlassablement le même cri.
Ils sont dans l’état le plus vif de la douleur mentale, celle qui cloue sur place. Il ne se passe rien, les mots sont figés sur l'insupportable condition de vivre et les échecs subis. La chape de plomb qui s’abat sur la scène dès les premières répliques ne se dissipera pas. L’enfer de l’âme n’a pas de fin.
L’écueil de l’hermétisme de ce langage circulaire et minimaliste entre le réalisme et l’absurde, l’onirisme et la dérive fantasmatique est évité de justesse par la mise en scène très radicale, au fil du rasoir, de René Loyon et la partition exceptionnelle des comédiens animés d’une tension intérieure très palpable. |