Comédie dramatique d'Hadrien Raccah, mise en scène d'Anne Bouvier, avec Jean-Pierre Bouvier, Anne Bouvier, Vinciane Millereau et Hadrien Raccah.
Hadrien Raccah, à peine plus de vingt années au compteur, et déjà à son crédit "Terminus", une première pièce époustouflante, montée en 2006, qui manifestait un talent à la fois précoce et mature.
Dans un tel cas, on craint toujours que le premier opus ne se révèle n'être qu'une comète. Aucune crainte en l'occurrence car avec "La dernière nuit", Hadrien Raccah confirme une étonnante qualité d'écriture et un style qui s'affirme original par son mélange de sensibilité exacerbée et de bouillonnement onirique et sa capacité à sublimer l’individuel et l’introspectif pour atteindre l’universalité d’un personnage ou d’un sentiment. On y retrouve également des thématiques qui lui sont chères, l'interrogation identitaire, la judaïté, la réalisation de soi, la fulgurance du temps.
Après la tragi-comédie qui lorgnait du côté du théâtre réaliste américain et du théâtre de l'absurde, "La dernière nuit", qui explore le pathos, non pas dû au manque d'amour, mais à ce surcroît d'amour, souvent indicible, qui unit les êtres d'une même famille de sang, navigue dans le théâtre du tragique existentiel à la manière d'un Strindberg non pas lunaire mais lumineux.
La pièce est servie par une mise en scène parfaite et des comédiens remarquables. On retrouve aux manettes, Anne Bouvier, comédienne et metteur en scène, qui avait monté "Terminus", et qui est manifestement très proche de l’univers théâtral de l’auteur mais sans doute aussi, elle joue sur scène face à son propre père, Jean-Pierre Bouvier, de sa perception sensible de l’amour familial.
La pièce est portée par le personnage du père à la dérive, qui a perdu son épouse, qui vient de perdre son travail et qui perd la raison, seule réponse qu'il trouve à sa défaite, et qui est incarné de manière bouleversante par Jean-Pierre Bouvier.
Autour de lui, les enfants, deux soeurs à la sororité conflictuelle, Anne Bouvier et Vinciane Millereau, et Hadrien Raccah, dans le rôle du fils qui s'invente une vie nouvelle.
Filez donc au plus vite dans la très belle et toute nouvelle salle de la Manufacture des Abbesses, qui a fait le choix artistique, aujourd’hui audacieux, de ne programmer que des créations, pour découvrir ou retrouver la prose inspirée d'Hadrien Raccah. |