Toutes les officines touristiques de toutes les capitales du monde propose des boites, souvent métalliques, qui recèlent l'air de la ville visitée. On se gausse alors du touriste gogo qui revient avec ce rossignol et pis encore, le rire tourne à l'aigre quand il vous l'offre en souvenir de son voyage.
Et pourtant, le concept a pour inventeur un nom illustre, Marcel Duchamp, qui apporte à ses amis newyorkais, les collectionneurs Louise et Walter Arensberg, une petite fiole remplie d'air de Paris.
Petite fiole qui accueille le visiteur de l'exposition "Airs de Paris", sous une pluie de gouttes de colle noire de Michel Blazy et à côté de son ombre silhouette de Richard Fauguet.
Petite ampoule qui a suscité, par parrallélisme avec la rétrospective Marcel Duchamp qui inaugura l'ouverture du centre, pour l'exposition-anniversaire de son trentenaire, une exposition pluridisciplinaire, intégrant les arts visuels au sens large du terme, l’architecture, le design et le paysage pour traiter de la ville du 3ème millénaire.
Car pour les commissaires, Christine Macel, Daniel Birnbaum et Valérie Guillaume, l'air de Paris, "par définition mobile, partageable et, grâce à l'artiste, transportable", induit "l'idée de citoyenneté mondiale" qui constitue la thématique de cette exposition.
"Airs de Paris" se présente comme un état des lieux des problématiques sociétales, dont n'est pas absent l'aspect prospectif, comportant un nombre important d'œuvres spécialement conçues, mais également un instantané de la scène artistique contemporaine.
Sur 2 000 m², 14 salles, deux volets, les arts plastiques et les air(e)s géographiques (paysage,architecture, design), présentant, dans une scénographie fluide de Laurence Fontaine organisée autour de "La coupe" de Carsten Höller qui partage l'espace par une trouée transversale, photos, peintures, dessins, vidéos, projets, prototypes, dispositifs interactifs et installations d'artistes et ingénieurs aussi bien d'artistes que de créateurs émergents, l'exposition constitue pour le visiteur lambda une excellente introduction à l'art contemporain.
Ainsi retrouvera-t-il des valeurs quasi historiques comme Raymond Hains et Jacques Villeglé à l'honneur au Grand Palais avec l'exposition "Le nouveau Réalisme", mais aussi des personnalités confirmées.
Ainsi Daniel Buren, Sophie Calle, qui représente la France à la Biennale Internationale d'Art Contemporain de Venise, Michel Blazy, qui participait à l'exposition "M le monde renversé" au Palais de Tokyo tout comme Tatiana Trouvé, cette dernière également présente à Venise et des personnalités très médiatisées comme Patrick Blanc, l'inventeur du très hype mur végétal.
Et puis, partir à la découverte des petits nouveaux tels, par exemple, Rainier Lericolais, Marcelline Delbecq, les frères Bouroullec, Alain Bublex et Adel Abdessemed.
A défaut de propos didactique, à chacun de construire son itinéraire avec quelques pistes.
Le post nouveau réalisme
Dans la lignée de Jacques Villeglé, Pierre Huyghe ("No ghost jus a shell") et des affichistes, Rainier Lericolais détourne les affiches de concert ("Dé peintures"), Jean-Luc Moulène recycle les graffitis et les vieux journaux et Mircea Cantor préfère les tags.
Un monde malade
La terre n'est plus un eden avec les globes terrestres pustulants de Thomas Hirschorn ou les flèches catastrophes de Huang Yong Ping et les "Champs de bataille" de Gérard Gasiorowski.
Il n'en va guère mieux du monde intime pour Nan Goldin et Sophie Calle sur la tour Eiffel on la voit en pied, appuyée sur un oreiller, pendant la Nuit Blanche 2002 qu'elle avait passé dans la Tour).
L'ethnisme militant
Deux vidéos intéressantes et interpellantes, celles d'Adel Abdessemed montrant un homme noir aspergé de lait et de Zoulikha Bouabdellah dans laquelle une musulmane voilée qui crache lentement un chapelet catholique.
La nature urbanisée
Le béton a éradiqué la chlorophylle qui est réintroduite de manière contrainte dans l'espace urbain
avec le paysage vertical de Patrick Blanc qui côtoie la cloison de feutre des frères Boubellec, la plante verte en cage de Mathieu Mercier ("Structure en mélaminé blanc pourplante")
et Stéphane Calais propose des faux troncs d’arbres en kit ("Avril").
Les expérience sensorielles
De l'optic art avec le grand cube éclaté conçu par Daniel Buren et Xavier Veilhan ("La cabane éclatée aux paysages fantômes")
et la synesthésie avec l'étrange salle ambiante jaune et noire de Philippe Rahm ("Diurnisme")
Un peu d'humour et de fantaisie utopiste
Avec l'igloo en béton de François Curlet adepte de l'"architecture fainéante", le pentacycle de Vincent Lamouroux conçu pour fonctionner exclusivement sur le monorail abandonné Paris-Angers ou les saynètes de Koo Jeong-A.
On commence par l'air de Paris pour finir par les sciences spatiales. La boucle est bouclée.
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