Soirée guitare mais pas rock'n'roll aux Instants Chavirés qui dévoilent une certaine scène française pas comme les autres.
En première partie les Suisses de Honey for Petzi malgré leur inexpérience visible parviennent aux bouts de quelques titres à se détacher de leurs influences pour donner un concert assez personnel qui revisite le math-rock à la sauce indie-core. Les titres non chantés fonctionnent très bien avec notamment une basse intelligente et dynamique. Un groupe éminemment sympathique et sincère.
Viennent ensuite les Bordelais mythiques et mystiques de Cheval de Frise. Depuis le temps qu'ils écument les salles françaises pour distiller leur noise-core inspiré, on ne s'attendait pas tant à une surprise mais surtout à retrouver cette formation sérieusement barrée qui défriche un territoire original et enthousiasmant. Ce duo trouve son déséquilibre en oscillant autour de Vincent Beysselance batteur déconstructiviste et du guitariste Thomas Bonvalet. C'est surtout ce guitariste qui nous hypnotisera par mimétisme, Thomas étant en effet en transe durant tous les morceaux occupant comme un gêne le mètre carré qu'il s'est alloué sur la scène des Instants Chavirés, son jeu ressemble à de l'improvisation et pourtant la construction des morceaux est évidente et nous transporte dans un décor tourmenté, dynamique et urgent.
Enfin les Nantais de Chevreuil investissent la salle des Instants Chavirés : oui la salle et non la scène, le public étant relégué sur la scène et autour du groupe. La formation en question prenant un volume conséquent : Tony avec sa batterie mais surtout Julien avec sa guitare, sa pelletée d'effets et de samplers et surtout ses quatre amplis qui entourent le groupe en cercle et servent de frontière entre cette scène improvisée et le public rapidement enthousiaste. S'il faut faire une remarque sur la forme, c'est bien que contrairement à leurs précédents concerts où ils s'enfermaient dans une réserve de bon ton dans les groupes proches de la mouvance post-rock, ils pêchent désormais dans l'excès total qui transforme presque le concert en performance dangereuse.
Tony manipulant l'humour régressif et donnant un autre espace à sa batterie en quittant son siège pour tourner autour et s'accaparer plus globalement son instrument qu'il maîtrise admirablement avec une dynamique rare. Comme il faut un peu décrire le groupe, la subtilité du guitariste consiste à sampler des riffs crypto-math-rock et à les rediriger sur l'un des 4 amplis suivant l'effet voulu et à créer ainsi une sphère assez surréelle et presque malsaine. L'effet est formidablement efficace avec des mélodies minimalistes qui télescopent des riffs plus énergiques et jouissifs qui rappellent aussi bien Mogwai que Ulan Bator. J'aime beaucoup ce groupe et on passe un moment rare et fort en leur compagnie.
Ceci pour dire que si nul n'est prophète dans son pays, la suprématie anglo-saxonne écrasante en musique à guitare trouve sa limite dans des groupes innovants et formellement intéressants tels que ceux de ce soir.
A suivre près de chez vous…