Il est des peintres dont la réputation et le succès de leur vivant, même s'ils lui ont permis d’avoir un musée spécifique, ne les préservent pas, sinon de l'oubli, du moins de la méconnaissance du grand public.
Ainsi en est-il pour Jean-Jacques Henner, prix de Rome, peintre officiel du Second Empire et de la Troisième République, reconnu tant par ses pairs que par la société de son temps, qui, formé à l'école romantique, tenté par le naturalisme, fréquentant les impressionnistes, se situe à la croisée des chemins.
En association avec le Musée National Jean-Jacques Henner, actuellement en cours de rénovation, le Musée de la Vie romantique présente donc une sélection quasi-rétrospective de ses œuvres sous le titre, long mais explicite de la problématique sus évoquée, "Face à l’impressionnisme, Jean-Jacques Henner, le dernier des romantiques".
Dès ses années de jeunesse les grandes caractéristiques de sa peinture, héritées de l'enfance ("Mon professeur fût ma mère dans l'art des ombres lumineuses et des mystérieuses images") et de la peinture romantique, sont esquissées.
Ainsi, dans "La chaste Suzanne", travail de dernière année à la Villa Médicis, le traitement du nu, où existe encore la scénarisation (avec l’arrière plan et le voyeur), avec une femme à la peau de lait et le drapé d’étoffe orange, préfigure sa prédilection pour la femme rousse.
Mais d'origine modeste et attaché à son statut de peintre officiel, il saura composer et procéder de manière plus nuancée notamment pour les commandes publiques.
Un académisme atypique
Jean-Jacques Henner fondant sa renommée sur ses portraits, qui constituent aussi une source non négligeable de revenus, s'astreint au respect des normes du genre.
Le temps venant, accentue les contrastes pour renforcer l'idéalisme dont il nimbe les visages et tend même vers le symbolisme ("Portrait de Madame Kessler", "Portrait de Germaine Dewis").
Son goût pour les thèmes de légendes bibliques et médiévales se traduit par des peintures religieuses saisissantes, comme "Le Christ au tombeau", présenté à côté d'esquisses au fusain remarquables, dans lesquelles la gravité et la douceur élégiaque trouvent un champ de prédilection.
L’emblématique femme rousse
Le néo-classicisme de la "La chaste Suzanne" ou le réalisme de "La femme au divan noir" avec ses femmes pulpeuses et toniques va évoluer vers un archétype aminci, une femme à la peau nacrée, plus mélancolique que lascive, parée d'une abondante toison rousse.
Sur des fonds crépusculaires, la femme idéalisée d'Henner est luminescente et passive. Endormie, rêveuse, lisant, elle se présente rarement de manière frontale ("La source", "Rêverie").
Ce sont de sublimes visions dérobées d'une femme dont la nudité paraît toujours chaste et inaccessible malgré le roux de la chevelure symbole de l'animalité et de la sensualité, dont la passivité physique alliée à la nudité exposée est source d'un érotisme sacralisé.
Les visages, quand ils sont visibles, énigmatiques et hiératiques, ne sont pas sans rappeler ceux de Klimt ou de Knopff, ("La liseuse").
Parmi les dernières oeuvres, le portrait de "Rebecca" est tout à fait étonnant par sa modernité et par la dilution du visage dans la tonalité rousse.
L’exposition présente également une intéressante série d’études pour "Andromède" et de dessins exécutés sur tous support, même sur des journaux, témoigne d’une grande puissance expressive.
Une exposition bienvenue qui constitue une belle découverte et une bonne mise en bouche pour la réouverture, en 2008, du musée Jean-Jacques Henner. |