Le Musée du Quai Branly propose avec "Ideqqi, art de femmes berbères", une exposition à la fois très pointue et cependant totalement accessible s’agissant d’art populaire.
La commissaire de l’exposition, Marie-France Vivier, conservateur honoraire et responsable des collections de l’Afrique septentrionale au musée du quai Branly, a choisi de présenter la poterie algérienne rurale, en provenance de régions bien circonscrites de la Kabylie, pratiquée exclusivement par les femmes berbères et qu revêt une singularité tout à fait atypique par rapport aux productions méditérranéennes.
Dans une scénographie classique sous vitrines, les pièces sont présentées sous un éclairage ambiant très tamisé, presque crépusculaire, avec des lumières focales qui rehaussent leurs couleurs lumineuses terriennes.
Leur appariement par fonction permet d’apprécier la diversité tant des formes que des motifs décoratifs.
Un artisanat féminin
Dans ces régions, la poterie, par parallélisme entre la fécondité de la terre et la fonction reproductrice, est le domaine réservé et exclusif de la femme considérée comme la gardienne du foyer mais aussi comme la dépositaire de l'histoire et de la culture de la tribu.
Produite essentiellement pour les besoins et usage personnels de la famille, ces poteries sont réalisées selon une technique archaïque, sans tour ni four, façonnées à la main selon la technique du colombin et cuite à même le sol.
Ce qui n’empêche pas la réalisation de pièces délicates ou de grande taille comme les double gargoulettes, les monumentales lampes à huile utilisées lors des mariages et les jarres qui servaient au transport de l’eau.
Même dans les objets utilitaires, cruche, jatte, couscoussier, pot à bouillon, pour l'eau et les aliments, dont la fonction conditionne la forme, les potières insèrent des singularités au niveau de l'anse d'une cruche ou d'un pied de lampe.
Et les déclinaisons sont plus recherchées pour les objets de cérémonie comme le plat tripode ou des plats de fête.
Un art ornemental, identitaire et symbolique
La beauté, la diversité et la régularité des motifs attestent du savoir faire et du talent des potières qui étaient cependant tributaire de la cuisson ("La poterie dans le feu est comme l’enfant dans le sein maternel : nul ne sait s’il sortira droit ou tordu"). Les poteries les plus anciennes remontent au 19ème siècle en raison de leur relative fragilité et de leur utilisation au quotidien.
Rudimentaires ou très soigneusement élaborés, les motifs sont essentiellement géométriques.
Ils résultent de la transmission d’une pratique ancienne de figures, directement inspirées de la nature et des croyances animistes, qui s’est épurée au fil des siècles pour tendre vers l’abstraction.
Et ils soutiennent la comparaison avec les quelques pièces d’artistes contemporains également présentées.
Des motifs que l'on retrouve dans les tissages mais aussi sur les bijoux et les tatouages car la fonction décorative n'est jamais dissociée de la fonction rituelle et culturelle.
Et ne ratez pas, émouvantes et inattendues, deux vitrines recèlant des petits animaux en terre qui faisaient office de jouets. |