A toi que les louanges sur Vic Chesnutt ont toujours laissé de marbre. A toi que Vic Chesnutt a toujours profondément exaspéré. A toi qui l’avait trouvé d’un ennui mortel sur scène. Egalement doté d’un humour particulièrement douteux …
Oui, c’est à toi que cette chronique s’adresse en priorité, inutile en effet de prêcher les convaincus. A toi donc, car ton jugement pourrait s’inverser tant son nouvel opus North Star Deserter marque un tournant décisif dans sa carrière.
Animé depuis toujours par un remarquable esprit d’ouverture (Fly Pan Am, Lullabye Arkestra, Carla Bozulich …), le mythique label canadien Constellation a choisi de donner vie au projet initié par Jem Cohen, cinéaste new-yorkais compagnon de longue date de Vic Chesnutt. A savoir enregistrer le nouvel album de celui-ci au studio Hotel2Tango de Montréal avec la crème des musiciens du label.
Le casting démentiel laisse pantois : Thee Silver Mt. Zion en backing band. Et côté invités : Eric et Geneviève de Hangedup, Chad et Kate de Frankie Sparo, Bruce Cawdron de GYBE ainsi que l’inénarrable Guy Picciotto de Fugazi.
Histoire d’assurer la continuité avec les précédentes réalisations, le disque débute par une de ces splendides balades dont Vic a le secret ("Warm"). Pourtant dès le morceau suivant - "Glossolalia" - le projet s’écarte des sentiers battus folk pour aboutir à un de ces élans si caractéristiques de Thee Silver Mt. Zion. Le cadre se voit enfin posé.
Recette identique à l’avantage de Vic dans la foulée sur le très rock et intense "Everything I Say". Premières impressions à ce stade : la collaboration fonctionne au-delà des plus folles espérances tant les incroyables montées, les chœurs d’Efrim et ses amis mettent en valeur sans les dénaturer les compositions de Vic Chesnutt. Comme pour les présenter dans leur plus majestueux écrin. Plus loin, les orchestrations se font plus discrètes, lancinantes et malsaines parties de violons sur "Rustic City Fathers" ou sur cette poignante reprise de "Fodder On Her Wings" de Nina Simone.
Avant d’atteindre leur apogée sur les épiques "Splendid" ou "Debriefing" et ses rythmiques répétitives noyées sous un déluge de larsen. A tel point que les rôles semblent s’inverser et Vic Chesnutt donner l’impression d’épauler les musiciens de Constellation.
Que les fans du Vic songwriter se rassurent néanmoins, ces larges plages instrumentales sont entrecoupées de titres intimistes et fort réussis : "Wallace Stevens", "Over" ou l’incroyable "You Are Never Alone" ; le disque s’achevant comme il avait débuté sur une déchirante balade en solo : "Rattle".
Durant ces cinquante sept minutes, l’évidence crève les yeux. North Star Deserter s’élève plus haut que toutes les autres productions de l’américain. Une sorte de classique instantané pour les fans. Une porte d’entrée idéale à son univers pour les néophytes. Et enfin, un des disques les plus accessibles du catalogue de Constellation.
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