Jeudi 10 juillet

Le plat pays, royaume de la bière et de la frite… est aussi terre d’accueil de grands évènements musicaux. Après le Rock Werchter (Björk, Radiohead, Grandaddy, Interpol, Moby, Feeder, Calexico…), c’est dans une ancienne carrière de charbon que se déroule le festival de Dour. Le programme de la journée débutait, parmi la programmation très large, et en ce qui me concerne, par Vive la fête !, mais le groupe a décidé de jouer "plus tard" je commencerai mon festival avec Dionysos.

Coup de chaleur (pour les moqueurs qui n’imaginent pas la Belgique sous le soleil) ou public peu coopératif, les français, pourtant excellents sur scène d’habitude, nous livrent un show un peu mou. Evidemment, Mathias le chanteur y va du sien pour mettre l’ambiance, et les Belges semblent conquis par son double slam sur
"Coccinelle". Entre autres curiosités du show, on retiendra la version hip-hop de "Long Board Blues" et la reprise de "Thank You Satan" de Léo Ferré.

En terre conquise, Vénus installe son quatuor, avec certes le violoniste déjà présent mais aussi le violoncelliste (la jambe dans le plâtre !). Par nostalgie du passé, la seule reprise du Venus d’avant le clash est "She’s So Disco" dénudée de tout effet électronique. Principalement, la playlist reprend le très bon dernier disque "Vertigone", et à noter également une version Vénusienne de "Light My Fire" des Doors.

La suite sera plus électro avec la brillante Ellen Allien. Son disque "Berlinette" avait déjà de quoi charmer les personnes hostiles à ce genre, mais sur scène elle produit un mix corrosif, mais toujours mélodieux. L’album est d’ailleurs largement repris sur scène, avec des mix étonnants : Björk, le tube trash de l’été "Satisfaction (give me…)" qui d’ailleurs se fait huer.

Suivent les Queens of Japan, sorte de trio de guinguette, pour un style ressemblant à de l’electro-dance chantée.

Passé cette interlude sans intérêt, débarque Miss Kittin (cheveux ras), précédant son copain The Hacker, et son show est très techno-house, avec de gros boum-boum. D’aucuns diront qu’elle ne manie pas bien les platines, moi je la préfère sur la mienne, "Radio Caroline" s’avérant être un disque beaucoup plus electro-pop.

Retour sur la scène pop avec justement les belges de Das Pop. Entre Liars (pour le look du chanteur) et Supergrass (pour le synthé Roland), cet excellent groupe pourtant méconnu en France, car méprisé par les maisons de disque, est plutôt performant sur scène. Leur décors semblent sortis d’un magasin Ikea (grands box blancs traversés de néons blancs également, suspendus à l’arrière de la scène). Un groupe qui a fait quelques apparitions en France, et sans aucun doute qui ne va pas tarder à s’y imposer.

Viva la fête ! clôtura la soirée avec son cabaret trash. Le groupe dont la musique a été utilisée lors du dernier défilé Chanel, est une sorte de grotesque groupe hype ; la chanteuse porte une jupe plus que courte, les autres sont habillés stylés…et les paroles tiennent sur un ticket RATP (« le maquillage, c’est camouflage, maquillage » x36 !!)

Samedi 12 juillet 2003

Maximilian Hecker prend place pour ouvrir la troisème journée à Dour. Remarqué par "Infinite love songs" et confirmé par "Rose", il s'avère plus rock sur scène que sur cd. Les riffs de guitare sont plus présents et effacent quelque peu la voix sensuelle rythmant les chansons. Le concert est très bon, mais peut-être, les conditions n'étaient-elles pas idéales (sous la tente, il fait chaud, et le bruit de la scène reggae se fait entendre, public éclectique). Maximilian nous dit en interview ne pas s'en plaindre, cela dessère la pression présente lorsque tout le public est conquis.

Woven hand est la révélation de ce samedi, révélation étant un mot plus ou moins valable puisque le chanteur-compositeur n'est autre que l'éminente tête pensante de 16horsepower... de quoi rassurer dès la
début du set. Et on ne sera pas déçu. Les chansons s'enchaînent entre folk, rock psychédélique et expérimental.

Après le somptueux Woven Hand, prend place Black Dice, groupe New-yorkais, qui s’est fait remarqué notamment au festival Aquaplaning par un set d’une heure en une seule chanson, sans interruption, qui en fait comprenait trois morceaux avec des impros sur les transitions ainsi que nous l’a précisé le guitariste, qui arbore sur scène une remarquable guitare transparente (voir l’interview de Black Dice prochainement en ligne).

Il ne reste plus qu’à vous donner les influences (Sonic Youth, Can) et le genre, pour vous faire une idée sur ce groupe.On retrouve Godspeed ! You Black Emperor, Jackie O’motherfucker, soit un rock psychédélique qui vire au punk par l’aridité de certains sons. Sur disque, Black Dice est très dur à écouter (par des sonorités industrielles à la Einsturzende Neubauten) mais présente par moment des passages mélodieux. Sur scène, c’est au contraire un pur bonheur si toutefois l’auditeur accepte de se plonger dans leur monde atmosphérique.

Un passage rapide nous indique que Stupeflip, les pseudo rappeurs déglingués, sont très rock sur scène, mais très oubliables également. Un show trash mais pas culte, là est la différence.

Suivront les Wampas, certainement plus intéressants, avec un show énergique, très punk, une voix inaudible… Bref les Wampas, on aime ou pas.

Ensuite, The Melvins ont décidé de sortir de leur maison de retraite (ou de la cure de désintoxication…) pour montrer que la guitare, c’est comme le vélo, ça ne se perd pas. On se croirait en plein dans les années 1970, entre Captain Beefheart et Guns’n’roses pour le look, plus proche de AC/DC pour le son.

Dans la tente « popbitch » (voir le site www.popbitch.com ), Black Strobe livre son tout premier concert live. Au Printemps de Bourges, Black Strobe semblait être un unique assemblage de deux dj parisiens hors pair et hors normes (Ivan Smagghe et Arnaud Rebotini). Ici à Dour, la formation s’enorgueillit d’une guitare, d’une basse et d’une batterie en plus des « machines » de Jesus, aka Ivan Smagghe. Qualifié de rock à synthé, Black Strobe est un mélange de techno et de punk (la techno s’efface en fait avec le son des guitares). Une volonté de faire autre chose nous disent les deux compères en interview (à suivre prochainement).

Dimanche 13 juillet

La dernière journée à Dour se déroulera sous un soleil de plomb, encore plus étouffant que les trois premiers jours, au point que les pompiers sont à pied d’œuvre avec leurs lances pour arroser le public.

Entrée en piste de Calc, formation bordelaise, qui a sorti un très bon album de folk/rock classique. Un groupe qui est bon sur scène, même si leur prestation ne diffère pas trop du cd. Mais quand un bon groupe joue un bon cd, la formule donne forcément un bon concert (malgré les odeurs d’une tente qui n’a pas servi qu’à danser, et malgré la chaleur).

Groupe qui a tout pour séduire le public français mais qui, à l’instar de Tahiti 80, semble être marginalisé en France par la barrière de la langue (le groupe chante en anglais). En comparaison avec les médiocres Kyo et les mauvais Superbus (présents sur le Festival avec leurs grouppies), la situation de Calc, qui existe depuis 6 ans a de quoi dérouter.

Girls in Hawaii, groupe belge signé sur le même label que Calc, est encore une découverte intéressante. Déjà aperçu à un concert (au Grand Mix, Tourcoing –59-) en première partie d’Interpol, le groupe a encore étoffé son répertoire, le disque est annoncé pour septembre. Sur scène, les guitares prennent le pas sur l’ambiance intimiste des singles, transformant littéralement la pop planante en pop rock efficace.

Il faut ensuite courir pour ne pas manquer une minute du show de Mark Linkous. Sparklehorse joue dans une formation à 3, batterie, clavier, guitare (ils sont parfois 6). L’intérêt du concert, ayant déjà vu le groupe à plusieurs reprises, sera les deux nouveautés qui sortiront sur le prochain album prévu à la rentrée (dont une probablement intitulée "Baby you are my sunshine"). L’autre intérêt est aussi la réaction du public. Une masse de fan de Therapy?, groupe de métal jouant après Sparklehorse, acclame le dandy à notre plus grande surprise. Une preuve que les organisateurs réussissent leur pari : à programmation éclectique, public ouvert.

Après Sparklehorse, l’auditeur se balade en attendant l’entrée en piste des attendus Yo La Tengo. Entre autres, Kyo joue les stars de la pop face à un public misérable de fans conquis par ces chansons faibles et sans intérêt ; un groupe de Montreuil, Fancy, tente un come back des Jackson 5, avec Arnold et Willy au chant et à la batterie ; Beans le rappeur d’Antipop consortium se trouve bien seul face à ses machines, même pas un dj pour lancer le fond musical… on se croirait dans une Mjc de banlieue !

Yo La Tengo prend enfin place. Le trio américain, dont chacun des membres est pluri-instrumentiste, alterne chansons calmes, intimistes, et longues plages progressistes. C’est un vrai bonheur, d’autant plus que le groupe ne tourne pas souvent.

Un petit tour par la grande scène pour voir Stereo mc’s, trublion anglais d’un hip-hop plutôt enjoué, un genre de solo des Beastie Boys. Le bonhomme bondit dans tous les sens, déguisé en basketteur américain.

LCD Soundsystem, à l’instar de Black Strobe, est un groupe classé électro, mais qui semble bien plus rock sur scène. Cinq titres et puis s’en vont (en fait, les 4 morceaux extraits des deux maxi, plus un cover), mais quels titres. L’atmosphère ne se relâche jamais (même si les enceintes souffrent de 4 jours d’exploitation abusive).

Enfin pour clôturer le festival, les organisateurs n’ont pas trouvé mieux que les 2 many dj’s. Les frères Dewaele jouent évidemment devant leur compatriotes, et surfent sur la vague bastard-pop qu’ils ont popularisé (plus qu’inventé). White Stripes, Nirvana, Vanessa Paradis, Destiny’s Child, Miss Kittin & Felix da housecat, bref la recette habituelle, devant tout de même près de 20 000 personnes. Leur show constitue, pour ceux qui apprécient moyennement la house, un bon compromis entre rock, tubes et techno.