Sous un nom composé aux deux tiers d’un complément nutritif (à l’origine Beef, Iron and Wine) et derrière une épaisse barbe se cache Sam Beam. Orfèvre texan, il abondait jusqu’à présent dans un folk acoustique de très bon gout mais prend, avec The Shepherd’s dog, un virage fort bien négocié qui l’engage irrémédiablement vers d’autres horizons musicaux.
Son premier album The Creek Drank the Craddle enregistré à la maison sur 4 pistes en 2002, avait posé Sam Beam comme un Folk-songwriter de talent. Affirmation non démentie, bien au contraire, par la sortie en 2004 de Endless Numbered Days. Puis ont suivi deux EP Woman king et In the reins en collaboration avec Calexico, prémisses de sa nouvelle orientation musicale. Définitivement ouvert sur le monde, il réalise avec The Shepherd’s dog un album étonnant, foisonnant, mélange de rythmes et de sonorités multicontinentales.
S’ayant fait construire véritable un studio à la maison, Sam Beam y a invité des musiciens pour l’enregistrement de cet album. Ainsi poursuivant la collaboration entamée lors du précédent EP, Joey Burns et Paul Niehaus de Calexico sont venus lui prêter main forte.
Le texan avoue s’être inspiré de Tom Waits et son radical "Swordfishtrombones" pour créer son album. Grand bien lui a pris, tant cet album représente une évolution dans sa biographie. En effet, il marrie ici différents horizons, mais sans jamais se renier. Mélange d’univers sonores et rythmiques, il associe guitares électriques, banjos, pedal steel, piano ou cor avec bongo, guiro, shaker, ou claquement de mains. Et sa voix, constante, se fait toujours soyeuse portant des textes qu’il dit inspiré de la confusion due à la politique de l’actuel président des USA.
Sam Beam opère ici un travail d’orfèvre (qui donne parfois l’impression de jam) avec des arrangements délicats, des rythmiques importées d’ailleurs et des chœurs aériens qui concourent tous à l’élévation musicale.
Dès "Pagan Angel Borrowed car", le premier titre de l’album, le ton est donné : gimmick entrainant et entêtant, chant clair et doux, choeurs en pagailles, instruments délicatement posés, violon, piano, comme dans un joyeux jam avec des sons venus d’on ne sait où. Mille feuilles où se superposent voix et instruments sans jamais empiéter sur le terrain de l’autre, chacun existe et forme avec l’ensemble un tout cohérent.
Puis le superbe "Carousel" chanson fleuve aux guitares qui entremêlent leurs arpèges délicats s’intercale entre les chevauchées fantastiques et excitantes de "White tooth man" et "Boy with a coin", rythmé au son de claquement de mains. Le boogie de "Devils never Sleeps", quant à lui, côtoie "Resurrection fern" ballade au fort potentiel émotionnel agrémentée d’un pedalsteel très country tandis que "Wolves" et "House by the sea" profitent pleinement des nouvelles orientations mélodiques et rythmiques de Sam Beam.
Enfin "Flightlessbird, american Bird", l’émouvante ballade anti-guerre à trois temps, toute en retenue, conclue l’album.
Sans effet de mode, et sans même le rechercher, The Shepherd’s dog est un disque intemporel. Ambitieux, autant rythmique que mélodique et musical, il marrie énergie et émotion, tension et délicatesse et offre des chansons fleuves, sur lesquelles on se laisse flotter jusqu’à l’étendue immense de la mer.
Impossible de rester impassible à l’écoute de ce disque qu’il convient d’explorer au fil des passages sur la platine. |