Vaudeville de Labiche, mise en scène de Jean-Baptiste Sastre, avec Éric Boucher, Jacques Boudet, Claude Degliame, Noémie Develay-Ressiguier, Gabriel Dufay, Vladislav Galard, Florence Janas, Patrice Kerbrat, Jean-Pierre Moulin, Chantal Neuwirth, Marie Payen, Denis Podalydès, Alexandre Steiger et Jean-Pierre Taste.
Inutile, sans doute, de présenter "Un chapeau de paille d'Italie" de Labiche. Les mots "Ciel !... mon chapeau !...", déclinaison d'une réplique célèbre, résume à elle seule l’action : une noce court après le marié qui court après un chapeau. D’où quiproquos, course poursuite, rebondissements et rires garantis.
Mais attention, ici, le metteur en scène est Jean-Baptiste Sastre, surnommé "le dynamiteur", dont les mises en scène ne sont jamais ni insipides et ni anodines.
Dès lors, cette tragi-comédie satirique et cruelle, qui illustre avant l'heure, et de manière tout aussi bucolique, la théorie du chaos, appliquée au monde bourgeois, le boulimique bourricot bouffeur de chapeau se substituant au frêle papillon, et qui est traditionnellement montée comme un vaudeville joyeux, vire ici au cauchemar burlesque pour s’achever dans la dislocation générale.
Ce parti pris dramaturgique fait de Labiche le précurseur d'Ionesco et de Jean-Baptiste Sastre le successeur de Jean-Luc Lagarce. Comme ce dernier avait monté "La cantatrice chauve" d'Ionesco, au demeurant reprise cette année au Théâtre Athénée-Louis Jouvet dans la mise en scène de Lagarce interprétée à l’identique où la dislocation aboutissait à l’effondrement du décor. Et c’est terriblement décoiffant.
Côté scénographie, la nouvelle tendance est de jouer sur un plateau dépouillé et complètement ouvert depuis les cintres jusqu'aux issues de secours avec machinerie apparente et pleine vue sur les extincteurs. Ce qui donne l'impression, dans des salles disposant d'un grand volume scénique, d'une énorme boite noire dans laquelle s'agitent des lilliputiens. Ce qui peut être fatal. Mais point ici car les volumes fort honorables de la salle Jean Vilar du Théâtre National de Chaillot semblent presque insuffisants pour l’univers en expansion de Jean-Baptiste qui finit en Big Crunch.
Calèches en deux dimensions en fond de scène, décors à tiroirs, meubles mécaniques qui surgissent du sol et toit de carrousel réalisé par Mathieu Bony, manège dont les chevaux de bois sont des caractères archétypaux de bourgeois que Labiche cerne avec une férocité de raminagrobis virtuose d’autant plus qu’il s’agit d’une classe qu’il connaît bien, la sienne, qu’il montre comme des pantins, c’est-à-dire des personnages, et nous voici revenus au théâtre.
Côté comédiens, distribution brillante, anti-jeu et langage des signes, ici des humeurs et des costumes parfois extravagants de Christian Gascq. L'anti héros, Fadinard, symbole de la folie compulsive de la circulation monétique, dont on ne sait s'il court après un chapeau ou tente d'échapper à la noce, est magnifiquement campé par Denis Podalydès.
Autour de lui, Patrice Kerbrat est le beau père cupide aux pieds sensibles et les femmes ont du mal à garder la position verticale : l'épouse, (Marie Payen), échappée d'un ballet de Régine Chopinot costumé par Jean Paul Gaultier, est un derviche tourneur atteinte de gratouille qui se flanque par terre à la moindre réplique et la porteuse du fameux chapeau (Noémie Develay-Ressiguier) tombe bien facilement en pamoison.
Ah, j'oubliais... c'est furieusement drôle !
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