Benoît Dorémus, un nom qui fleure bon les cours de latin du collège : Dorémus, doremi masculin. Et Do ré mi ça ne tombe pas si mal pour un jeune chanteur.
Le jeune homme, 27 ans, sort de l’ombre grâce au coup de main de Renaud, qui produit son album. Ceci cela, le nom de sa maison de production ne comprenait jusqu’alors que ses propres œuvres.
Plus que la guitare, les samples voire l’accordéon, c’est l’écriture que Benoît Dorémus met au premier plan dans son album Jeunesse se passe. La voix est sûre, le tout est d’une cohérence rare pour un premier 12 titres.
Le titre "J’écris faux et je chante de la main gauche", retenu pour la promotion de l’album est une ouverture en forme de manifeste, et de déclaration de guerre. Et n’allons pas pour autant chercher d’engagement politique. C’est la Gauche d’un autre temps que l’on mettait en chanson.
Dans des textes qui claquent plus qu’ils ne sont chantés, Dorémus raconte son goût pour les mots ("J’apprends le métier"), l’enfance ("Je m’en rappelle pas") avec un jeu de tambour comme celui du lapin Duracell, la perte d’un copain de vingt ans ("Les bulles"), ses amours : la jalousie ("Un poison"), l’attente ( Madeleine? de Brel : non, parce que cette fois, elle fait taire la voix avinée de l’oracle fatigué) ("Un arracheur de sac"). Il faut que Jeunesse se passe, mais pour le moment, elle prend le mors aux dents.
Dans le titre "17 ans", il s’essaie à une réécriture du fameux poème de Rimbaud : "on n’est pas sérieux quand on a dix sept ans", les tilleuls du poète deviennent les saules pleureurs du chanteur : c’est la découverte de l’amour et du temps qui passe et qui emporte sur son passage : (….sujet de philosophie "le temps est-il en nous ou en dehors de nous ?... "), candeur et illusion. Dix sept ans: âge frontière qui fait durer les facéties et les désespoirs de l’enfant dans le monde de l’adulte.
Accalmie avant l’orage, comme dans la chanson "Pas à me plaindre".
Renaud a salué l’émotion qui se dégage d’une chanson d’amour qui ne dit pas son nom ("Rien à te mettre") et nous ne pouvons que reconnaître la sûreté de son jugement. Tout en finesse, il s’adresse à son amie qui cherche dans sa garde robe le vêtement qui la mettrait en valeur, et il la regarde mi-avide, mi-étonné devant un monde féminin étranger.
La rencontre avec Renaud fait naturellement aussi l’objet d’une chanson ("Deux dans mon egotrip"), parce que sans lui, il serait rester dans la confidentialité des cafés et des petites scènes parisiennes ("…merci à tous ceux qui ne me connaissent pas d’aujourd’hui…").
Tatouage, jeans et marcel immaculé, laguiole qui effleure les veines du poignet : mise en scène sur les photos d’un artiste à nu, enragé, dangereux (pour qui ?), qui s’engagerait sur la voie de Bertrand Cantat, de Mano Solo…
Longue route et bonne chance. |