Dans le cadre de la 52ème Biennale de Venise, le pavillon russe présentait, entre autres, le projet "Last Riot" du collectif AES+F, un très curieux montage d'images mettant en scènes des adolescents dans un univers cybernétique qui s'adonnaient à des simulacres de jeux meurtriers.
Le moment est venu d'en voir et d'en savoir plus au Passage de Retz où le collectif AES+F fondé en 1987 par deux architectes Tatyana Arzamasova et Lev Evzovitch et d'un graphiste, Evgeny Svyatsky, et rejoint, en 1995, par un photographe, Vladimir Fridkes, expose l'ensemble de son travail de ces dix dernières années sous le titre "Le vert paradis".
La perte des repères
Le titre de l'exposition fait référence au vert paradis baudelairien des amours enfantines et l'exposition chronologique, qui commence par la série de photographies "Suspectes", annonce le terrain exploratoire de AES+F.
C'est celui du monde adolescent avec ce qu'il comprend de fascination et de mythologie mais aussi de symptôme du malaise sociétal. Un travail passionnant qui s'articule autour du mythe de l'enfance.
Réalisés en 1998 ces portraits de jeunes filles mineures, toutes aux visages angéliques et aux yeux limpides dont certaines, au demeurant non identifiées et non identifiables comme telles sur les photos, sont des meurtrières particulièrement violentes et barbares.
Terrible brouillage des repères et des certitudes. Uniformisation des comportements induite par la mondialisation à laquelle n'échappe aucune société, qu'elle soit russe, américaine ou égyptienne, illustrée par la série "Le Roi des Aulnes".
"Jeter le génome de l'héroisme hors du monde d'aujourd'hui"
Mais le plus troublant et le plus singulier reste à venir. Avec "Action Half Life" et Last Riot" qui met en scène des enfants et des adolescents plongés dans un monde imaginaire, presque anodin n'était la présence des armes.
La constante, le paysage désertique de fin du monde, en deux dimensions, édulcoré et presque anodin, qu'il s'agisse des tirages numériques sur toile ou du film d'animation, qui ressortit autant au jeu cybernétique qu'au dessin animé.
"Dénoncer la violence symbolique des stéréotypes de la société occidentale"
Dans "Action Half Life", les enfants héros dotés d'armes technologiques de pointe semblent figés dans une attitude sulpicienne purement défensive au regard de menaçants engins volants.
Dans "Last Riot", l'image s'anime et les enfants sont devenus des adolescents androgynes qui manipulent des armes rudimentaires, mais tout aussi meurtrières, pour s'entretuer avec des visages impassibles, inexpressifs, sans affect, dans un simulacre d'acte meurtrier sans cesse renouvelé et jamais mené à son terme.
Des meurtres rituels à l'imagerie presque sulpicienne, commis par des anges exterminateurs, dans une esthétique aux influences néo-baroques.
Vers une nouvelle apocalypse ?
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