Comédie dramatique de Yasmina Reza, mise en scène de Eva Saint Paul et Antoine Soulié, avec Céline Espérin, Julien Le Provost, Antoine Soulié, Fabienne Tournet et Gary Gillet (ou Pauline Devinat en alternance).
Comédie de mœurs drolatique, brillant exercice de style et sarcastique réflexion existentielle, "Trois versions de la vie" propose une autopsie de la vie ordinaire au travers d’une soirée inattendue et mémorable.
Pas de situations alambiquées ni d’argument singulier mais des scènes de la vie quotidienne, celles-là même qui alimentent la comédie de boulevard et le café-théâtre : un enfant capricieux, deux bobos qui n’écopent même plus leur couple qui prend l’eau, des invités inopinés, et vogue la galère pour trois réplications savoureuses de la même situation.
Yasmina Reza, fille de musicienne, pratique l’art de la fugue avec brio. Pour cette fugue pour un quatuor désaxé, dont chaque mouvement est un petit bijou, elle utilise toutes les techniques du contrepoint, de l’allegro furioso, qui conduit au pugilat verbal, on frôle le carnage style "Monsieur Kolpert" en plus soft au moderato à fleurets mouchetés pour respecter les convenances.
L’écriture est limpide, les dialogues percutants et affûtés comme des rasoirs et chaque réplique provoque une estafilade, parfois l’estocade, souvent, avec un hoquet comique.
Pour rester dans la métaphore musicale, le metteur en scène Eva Saint Paul dirige ses solistes, qui furent tous ses élèves, d’où une distribution homogène et harmonique, en chef d’orchestre avisé soucieux du tempo de la petite musique de Yasmina Reza, désenchantée et drôle, qui peut tout aussi bien surfer sur l’écume des sentiments que déclencher la tempête.
Les officiants quant à eux montrent un bien beau talent pour exécuter cette partition délicate et caustique en déclinaisons de registre.
Face à Céline Espérin, délicieuse et exaspérante working girl, et Antoine Soulié, déconcertant astrophysicien maniaco-dépressif en manque de reconnaissance professionnelle, Julien Le Provost, succulent en winner bellâtre et suffisant, de l’obséquieux à l’odieux, et Fabienne Tournet excellente jolie épouse godiche.
Que la fête commence ! |