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Entretien de décembre 2007  (Paris)  20 décembre 2007

Voila déjà venu le temps de notre dernier entretien de l’année 2007 avec Jean-Laurent Cochet. Des entretiens qui ponctuaient les saisons et suivaient ses Master Classes qui fournissaient bien des thèmes de ce qu’il appelle amicalement "des bavardages".

Des entretiens qui, par un retour vers le futur permanent, abordent également sa carrière et sa vie placée sous les auspices de ceux qu’il a aimés et admirés, main dans la main avec un petit garçon, le maître de sa destinée.

Pour clore ce millésime, nous avons souhaité évoquer ce que Jean-Laurent Cochet appelle "sa première vie" dont il a consigné le temps, "un temps retrouvé que je n’avais jamais perdu tout à fait, dans "Mon rêve avait raison" paru en 1989.

Pour ce dernier entretien de l’année 2007, je voulais vous proposer de l’articuler autour du livre "Mon rêve avait raison" qui est paru en 1989 aux éditions Pygmalion. Quelle est la genèse de ce livre qui a une nature hybride, qui n’est pas vraiment ou uniquement ni une autobiographie ni un livre de souvenirs et qui revêt une forme atypique ? Pourquoi l’avoir écrit à ce moment là ?

Jean-Laurent Cochet : Parce que c’est à ce moment-là qu’on me l’a demandé. Peut être parce que ce moment-là était fait d’un certain travail et en même temps d’un combat avec des efforts et des affrontements. C’est Patrick Wajsman qui m’y a incité. Cela étant, je ne voulais pas que ce soit un livre de comédien de plus dans lequel les dames parlent de leurs robes et dont généralement le comédien n’est pas réellement l’auteur. Par ailleurs, je ne voulais absolument pas faire l’honneur aux gens contre lesquels je me battais à l’époque de parler d’eux dans ce livre. Je lui ai donc dit que je ne souhaitais parler que des choses heureuses et de tous ceux qui m’ont enseigné pour m’amener tout jeune où j’en étais. Patrick Wajsman m’a donc incité à le faire.

Cela m’a passionné mais m’a pris énormément de temps parce que je ne voulais pas que ce soit simplement une narration chronologique, ce qui n’aurait intéressé personne, encore que cela n’est pas totalement vrai puisqu’il y a des gens que ma carrière intéresse, mais je voulais raconter une histoire. Cela me fait penser à l’éditrice qui après l’avoir lu avait dit bêtement : "Oui, il a certainement fait le livre qu’il a voulu faire mais ça ne nous intéresse pas tous ces gens dont il parle et qui sont morts !". Quand Flaubert, je ne me compare bien sûr pas à lui, écrit "L’éducation sentimentale" il nous parle de gens que nous ne connaissons pas non plus. Il nous raconte une histoire et des tranches de vie. Le livre avait été refusé par Grasset et donc je passais mon chemin.

Mais quand les choses doivent se faire elles se font, et parallèlement, j’avais retrouvé un camarade comédien quand nous avions 20 ans, Gérard Watelet, qui, depuis, était devenu éditeur et qui m’a dit que je devrais écrire. Je lui ai répondu que c’était fait et je lui ai donné le manuscrit à lire. Le soir même, il m’a téléphoné en me disant : "J’en suis à la 30ème page mais cela me suffit. Je le prends parce que c’est un livre d’amour et c’est ce qui m’intéresse."

Voila. Et comme ce livre a bien marché, on m’a demandé d’en faire un second et j’en ai commencé un 3ème sous une forme différente qui me plait bien parce que je n’aurai peut être pas eu, non pas le courage car ça on l’a toujours, mais le temps, étant donné ce que sont mes journées en ce moment. En effet, entre temps, j’ai connu un garçon merveilleux, Florent Georgescu, qui a une maison d’édition et est le rédacteur en chef de La Revue littéraire, qui m’avait rencontré pour un entretien qu’il a ensuite fait paraître.

A la lecture de cet entretien, j’ai trouvé cela extraordinaire car j’avais vraiment l’impression de me lire. C’est ainsi que nous avons retenu cette forme d’entretien comme support pour le livre. Cela est plus rapide que de se mettre devant sa table et, par ailleurs, beaucoup d’idées viennent au cours de la discussion avec l’autre. Et ce 3ème livre devrait en principe paraître en 2008. Voila donc pour la genèse de ce livre qui est dû, non pas au hasard, parce que le hasard n’existe pas, mais au fait que quelqu’un m’a posé la question au moment, je pense, où il fallait que cela se fit.

D’autant que vous écrivez que ce livre est né au mi-temps de votre vie. Peut-être correspondait-il aussi sinon à la fin d’un cycle du moins à un moment de transition.

Jean-Laurent Cochet : Effectivement. C’était un bon passage.

La lecture de ce livre m’a beaucoup fait penser à Marcel Proust dans la démarche qui sous-tend l’écriture de ce livre même si ce n’est pas vraiment la recherche du temps perdu.

Jean-Laurent Cochet : Tout à fait. C’est ainsi que m’est venue l’idée que je continue à beaucoup aimer et qui a touché le plus, je crois, les gens, de ce petit garçon que je considère être toujours et qui, en fait, me racontait ma vie avant que je ne la vive et maintenant continue à me la rappeler au gré des événements. Bien loin de moi l’idée de me comparer à Proust, à un pareil génie, mais la démarche peut être considérée comme proustienne. Ce n’est pas la recherche du temps perdu mais l’entretien d’un temps en permanent état de retrouvailles. Ainsi nous rejoignons nous.

Ce livre narre bien évidemment des épisodes de votre vie et de votre carrière mais aussi, et surtout me semble-t-il, ce que l’on appelle aujourd’hui "être au monde".

Jean-Laurent Cochet : Ah les gens comme Georges Haldas parlent d’une manière plus simple et plus merveilleuse de cette notion d’espace-temps, presque, non pas de monde, mais de temps parallèle. J’ai toujours eu cette impression, sans toujours pouvoir la formuler comme je l’éprouve tellement fort maintenant, de ce temps à plusieurs étages. Je suis aussi présent au monde de Dieu et des disparus qu’au monde qui nous entoure. C’est peut être cela qui me permet comme d’autres, dont Louis Pauwels, l’ont si bien écrit d’être au monde avec, sinon une indifférence comme il le disait, mais un recul absolu du monde.

Victor Hugo écrivait à la fin de sa vie : "il faut pouvoir se retourner et voir sa pensée faite action". C’est ce que je prétends avoir fait en choisissant mon métier et en le servant comme je l’ai fait mais en permanence et sans rechercher, on me les a données, aucune récompense terrestre. Pour être au contraire en écho, en relation et en interaction avec cet autre monde pour lequel on se prépare. Et cela je l’éprouve de plus en plus avec le temps et pas comme on pourrait le croire, et comme on le dit, parce qu’on vieillit.

Je pense à la phrase de Bergson que j’ai mis en exergue de mon second livre : "Je ne sais pas si l’âme continuera après la mort, mais plus je vieillis, plus je crois à l’immortalité. Pourquoi donc ? Parce que plus je vieillis, plus je me sens prêt à vivre." Je ne sais pas si l’âme est immortelle mais j’y crois forcément puisque plus j’avance dans le temps plus je sens que je suis jeune. Donc je pense qu’on rajeunit pour reprendre la suite de ce passage avec tout cet inconcevable qui va nous être révélé. C’est une sensation très forte parce que complètement charnelle. Je vis avec autant de violence physique, de présence mes relations au monde et appelons cela cet autre monde qui est en permanence avec le notre. C’est absolument une réalité.

Ce livre est à la fois philosophique, métaphysique et mystique. Cette façon d’être au monde la portiez-vous en vous de manière immanente ou a-t-elle été acquise ou construite avec le temps ?

Jean-Laurent Cochet : Je pense que tout ce que l’on fait au fil du temps on le portait en soi. Et j’en reviens à Haldas : on porte tout en soi comme la graine qui est grosse comme l’ongle du petit doigt et qui contient déjà l’arbre. Il n’y a pas des transformations successives de graine en pousse et de pousse en arbre. L’arbre est dans la graine. Il faut simplement savoir quelle est la bonne terre, ce que l’on ne sait pas très vite. Ce sont des choses non pas que l’on découvre mais que l’on retrouve au fil du temps et il est manifeste que tout cela est inhérent à la nature première avec ce que cela représente d’hérédité, bien sûr, de génétique comme on dit maintenant, et de manière de se retrouver au gré du travail, au gré du temps et des rencontres.

J’ai eu la chance d’opter très tôt pour un certain chemin et de n’avoir jamais bifurqué. C’est à l’intérieur de ce choix, qui était une espèce de prédestination, que, petit à petit, j’ai reconnu les signes. Je ne me dis pas comme Claudel à 42 ans, ce qui est vrai pour lui, j’ai eu la foi derrière les colonnes de Notre Dame.

Pour moi, tout est beaucoup plus global même si on n’en a pas encore conscience. L’arbre est dans la graine et c’est le fameux mystère de la nature, de l’éclosion, du temps, de la volonté d’y vivre et qui fait que l’on est ce qu’on est pour ce passage. Et il faut, pour ce passage, essayer de reconnaître les signes, les lieux et les êtres qui sont des phares, des passeurs, passeur que je suis un peu maintenant.

C’est une histoire de transmission, de tradition, de translation et que j’appelle le présent continu. On va vers l’avenir pour se faire un beau passé. Ce qui n’empêche pas les accidents de parcours puisque le monde n’est pas fait que de plaines. Heureusement car il serait ennuyeux. C’est pour moi une évidence. En me posant la question vous me forcez à y mettre des mots plus précis que je ne le fais quand j’y pense. C’est une réalité à la fois physique et lumineuse. C’est ma vie.

Vous venez d’utiliser le terme de passeur qui amène la question suivante que je voulais vous poser. Par votre enseignement voulez-vous être un passeur ?

Jean-Laurent Cochet : Complètement. Cela me passionne le plus au monde. Je ne crois qu’en ces échanges-là. Ce qui est extraordinaire, c’est que j’ai connu, et toujours au moment où cela était le plus favorable, peut être parce que j’en ai pris conscience au moment où il le fallait, des gens, ayant ou pas une même nature, qui ont su me faire comprendre positivement, ou a contrario, les choses que je devais me révéler à moi-même. Il est par ailleurs certain que, lorsqu'on fait un métier comme le mien, c’est de l’amour et on a envie de donner, de rendre l’autre meilleur à travers ce qu’on a vécu et ce qu’on a l’impression qu’il doit vivre pour être fidèle à lui-même.

C’est une façon de révéler les gens à eux-mêmes. Et c’est ce qui est le plus passionnant. C’est la vie. C’est ce qui se passe aussi avec le public quand on joue mais de manière plus fugitive. Quand on enseigne et quand on donne des cours de théâtre avec un grand t c’est l’idéal. Ce qui est amusant c’est que je le portais en moi. Forcément. Le spectacle du monde nous apporte quelque chose, parce qu’il apporte un écho en nous qui était prêt à surgir. C’est tout le platonisme. On est sous des astres que l’on reconnaît parce que l’on en est le reflet et on découvre qui on est.

C’est aussi de cette façon qu’on peut découvrir qui sont les autres et les aider en fonction des grandes lois du monde et sans se soucier des petites modes de circonstances. Il est certain que j’étais fait pour enseigner, d’une manière obligée, et peut être n’y aurais-je pas pensé au moment où il le fallait si certaines personnes ne me l’avaient pas rappelé. Ce ne sont pas des rencontres de hasard, ce ne sont pas des rencontres fortuites. On peut connaître des gens pendant longtemps et ce n’est qu’au bout de 60 ans qu’ils vous diront la chose pour laquelle il fallait que vous les rencontriez.

Etes-vous un phénomène exceptionnel, unique, ou avez-vous formé des comédiens qui sont un peu vos enfants et sont, ou seront, à leur tour des passeurs ?

Jean-Laurent Cochet : Nous sommes tous un spécimen unique. Je suis tout à fait unique mais cette unicité peut se transmettre sur un terrain favorable. Certains font ma rencontre aujourd’hui comme j’ai fait la rencontre de mes maîtres de théâtre. La réponse à votre question est oui. Il n’y en a pas beaucoup car il n’y en a jamais beaucoup. Il faut le terrain propice, la volonté, la foi, la docilité, le travail et accepter de prendre son temps, ne pas couper trop vite les racines avec le père. Je considère que mon enseignement se prolonge, quand je dis mon enseignement c’est celui de tous mes maîtres, c’est une grande chaîne.

Je n’ai rien inventé, j’ai transmis. Seul mon passage était unique. J’ai voulu d’autres passagers qui, à leur tour, feront des passages uniques. Il y en a et, j’allais dire ce ne sont que des comédiens, mais c’est déjà fabuleux. Sont le reflet de cet enseignement des Depardieu, Richard Berry, en particulier qui est un garçon merveilleux et pas seulement pour ses qualités de comédien, Lucchini, bien sûr, dont on ne sait plus si c’est lui ou si c’est moi qui parle sans que l’un imite l’autre. Il faut trouver des gens qui prennent à leur compte et qui puissent dire "moi je pense" ce qu’effectivement l’autre pensait puisque lui-même en avait hérité.

Sur le plan de ce qui sera la propagation à travers le travail metteur en scène, et très vite à travers ce travail de professeur, il y en a également, à commencer par Pierre Delavène qui est un être complet, et puis d’autres moins connus qui se sont consacrés à l’enseignement comme Philippe Le Gars qui peuvent parler le même langage que moi. Un langage qui était celui de Monsieur Rollan et de Madame Dussane. Il y a également Jacques Mougenot, Marina Cristalle.

Et puis un garçon tout à fait exceptionnel, qui sera sans doute le premier de sa génération, car déjà à son jeune âge il est un merveilleux comédien, il a fondé sa compagnie et la dirige avec énormément d’exigences et d’autorité, c’est Arnaud Denis. Et s’il n’état pas totalement Arnaud Denis on pourrait dire que c’est un petit Cochet.

Dans ce travail de passeur, il y a un autre paramètre essentiel dont vous parlez beaucoup dans votre livre c’est l’admiration. Vous citez à ce propos Alain "L’admiration est la lumière de l’esprit ".

Jean-Laurent Cochet : Oui. Et comme dit Gandhi "Vous devenez ce que vous admirez". Si on admire vraiment profondément, intérieurement quelqu’un - et Dieu nous a laissé un peu d’étincelle à chacun - on prend un peu à celui qu’on admire. On transmet ce qu’on a compris chez eux par l’admiration. C’est un ressort essentiel. Le premier déclic c’est l’admiration. C’est un peu comme dans l’amour avec un grand A. Il n’y a pas vraiment d’amour sans une part d’admiration C’est Giraudoux qui disait : "Moi j’appelle amour ce qui ne peut pas s’appeler autrement".

Alors, il peut y avoir des tas de choses, déplaisantes ou heureuses, comme le flirt, la tendresse ou tout ce que l’on veut, mais l’amour que l’on a envie de partager nécessite une part d’admiration, de sur-appréciation, de discernement de l’autre, de ce qu’il est et de ce qu’il va devenir. L’admiration, c’est le grand secret. Les gens qui n’admirent pas sont comme les avares. Ces sont les pires choses qui font que l’individu se sclérosent.

Certains se refusent à l’admiration en pensant que cela prend sur leur propre personnalité. C’est donc qu’ils n’ont pas très confiance dans ce qu’ils peuvent représenter. C’est comme l’ingratitude. C’est une passion. On s’aime tellement soi-même qu’on ne pense pas qu’on puisse rendre grâce à quelqu’un.

Et la trahison ?

Jean-Laurent Cochet : L’ingratitude ne va pas toujours jusque là. L’ingratitude peut être une dissimulation. La trahison c’est le mensonge complet.

Vous écrivez : "Tant d’amis sont partis, tant d’autres m’ont aidés - j’oublie ceux qui ont trahis : ils s’étaient trompés de vie en entrant dans la mienne. Tant de nouveaux venus, prestigieux ou discrets, m’ont régénéré l’âme."

Jean-Laurent Cochet : Oui. J’aime beaucoup avoir écrit cela.

C’est très beau.

Jean-Laurent Cochet : Oui, j’ai une belle plume (rires). Je devrais me relire plus souvent.

Après l’admiration, le travail. "Jouer est mon travail. Mon travail est ma vie". Et votre vie personnelle ?

Jean-Laurent Cochet : C’est indissociable. C’est un peu comme : on ne joue pas après avoir travaillé sa technique. On travaille sa technique qui contient déjà l’interprétation. L’amour, l'amitié, la gourmandise font partie du travail quand on a choisi le théâtre. Il y a des gens pour qui le travail est de faire certaines choses même quand ils les aiment dans des créneaux horaires bien précis en disant "vivement le week end !".

Mon travail a toujours été un jeu, puisqu’on dit "je joue la comédie", mais ce jeu comporte des règles très difficiles, très strictes mais passionnantes, exaltantes puisqu'on se remet sans cesse en jeu. Alors les autres sentiments viennent s’y adjoindre ou sont un repos des moments les plus exigeants mais c’est indissociable. Je n’ai fait ni liste, ni comptes, mais, que ce soit parmi les amis, et avec le temps tous les gens beaucoup plus âgés que je rencontrais devenaient des amis, pas forcément des gens du métier mais c’étaient tous des artistes qu’il s’agisse d’avocats, d’auteurs, de philosophes.

Dans les relations tendres ou amoureuses, je n’ai pas le souvenir d’avoir aimé vraiment, je ne parle pas de petits voyages sur une mer calme, que des gens, pas uniquement du métier, quoique cela ne veuille rien dire, d’une même aspiration. Sans cela qu’est-ce que l’on peut se dire ? Mon Dieu si on ne se parle pas de métier quand on fait un métier comme le nôtre, qui contient le monde, la foi, ce n’est plus de l’amour mais une espèce de décrépitude des sens.

Pour ceux qui vous voient de l’extérieur, on se demande quel temps disponible vous reste entre les cours, les représentations de "Aux deux colombes" qui se jouent depuis la fin août 2007 et qui vont se prolonger au premier trimestre 2008 jusqu’au moment où vous serez de nouveau sur scène celle du Théâtre 14 pour "La Reine morte" et les représentations ponctuelles le lundi.

Jean-Laurent Cochet : Il en reste toujours. C’est une question d’organisation mais plus on a de choses à faire plus on dégage de temps. J’ai appliqué sans le savoir le fameux mot de Mary Marquet : "Jusqu’à 30 ans j’ai su écouter, après j’ai eu de l’ordre". On engrange et après on s’organise. Il ne faut pas être anarchique et il ne faut pas, et c’est ma chance, avoir besoin de trop de sommeil. Il faut savoir s’ordonner.

J’ai toujours remarqué que dans la journée la plus riche en travail et en rendez-vous, si on s’y prend bien, d’abord, on est toujours un quart d’heure en avance, il reste toujours quelques heures pour lire ou rencontrer quelqu’un. Ce n’est qu’une question d’organisation et d’amour du travail justement. Les choses que l’on fait parce qu’on les aime, et qu’on en a envie de faire, se font au gré du temps, un temps qui finit presque par être élastique. Et cela de plus en plus.

Je constate que pour un homme qui est censé être retraité je n’ai presque jamais autant travaillé. Je n’ai pas eu un jour de repos depuis le 10 juillet et je m’en porte fort bien, même beaucoup mieux, et j’ai quand même pu aller voir des spectacles le dimanche soir où j’étais libre, dîner avec des amis ou rencontrer des gens pour pénétrer un peu leur intimité. On trouve toujours du temps si on veut. Tout est une question d’organisation et de volonté. C’est la raison pour laquelle la paresse est ce qu’il y a de pire chez un individu car cela entraîne tout le reste.

Vers la fin de votre livre, après avoir évoqué tous ceux que vous avez rencontrés, vous écrivez : C’est grâce à tous ces printemps à recommencer que je peux faire flamboyer mon automne-renaissance." Quelques années après, cet automne a-t-il tenu ses promesses ?

Jean-Laurent Cochet : Ah oui ! Complètement ! Parce que je me souviens très bien quand j’ai écrit ces lignes qui formalisaient un passage, d’un règne à l’autre si j’ose dire, c’est ce que j’espérais, ce que je pressentais mais c’était à faire, ou à laisser faire par tous ceux qui m’ont toujours guidé. Cet automne qui est le mien, l’automne étant, vous le savez, ma saison préférée, s’est exactement passé tel que je voulais, et je reprends les deux termes que je viens d’utiliser, le pressentir et l’espérer. Oui, un nouvel âge né des précédents, comme on écrit œuf avec le e dans le o. C’est vrai.

La preuve en est et Pierre Delavène me l’avait prédit - je ne sais pas s’il est voyant, en tout cas, il est clairvoyant car il m’avait dit : "Vous avez intérêt à être bien portant parce que 2007, 2008, 2009 sera une espèce d’apothéose". Moi qui ai toujours l’impression d’être au meilleur de ce que je pouvais faire, je suis à ce moment de ma vie où on a tous les âges réunis, bien que ce soit en fait pour rajeunir, pour tirer plusieurs peaux, pour continuer la mue, je vis, en ce moment, des choses fabuleuses que je n’aurais sans doute pas connues si Pierre Delavène n’avait pas été là. Je n’aurai peut être pas arrêté le cours mais nous n’en serions pas à plus de 200 élèves, avec des antennes dans la France entière, avec des spectacles de souvenirs que je joue ponctuellement à la demande, avec mon travail en Vendée.

C’est tellement régénérescent que, bien loin d’avoir l’impression que cela me fatigue, cela m’allège. D’abord, jouer la comédie tous les soirs, quand c’est un spectacle qu’on aime, sinon cela peut être sinon fatigant du moins un peu ennuyeux, ce qui ne m’est jamais arrivé puisque j’ai toujours monté et joué ce que j’avais envie de faire, à une ou deux minimes exceptions près, c’est extraordinaire. Ce que disait Guitry et que je comprends de mieux en mieux : avoir ce rendez-vous d’amour tous les soirs avec 1200 personnes.

C’est fantastique qu’ils soient à l’heure, que ce soit plein, qu’ils soient tous là et nous aussi, et qu’à la fin on se dise merci, et qu’on va recommencer le lendemain avec, entre temps, faire un cours, prendre le train, rencontrer des gens merveilleux en Suisse, avoir encore le temps de se raconter des histoires drôles. C’est un automne tel que j’adore l’automne mais qui est presque printanier, je pourrai dire même estival si je ne redoutais pas toujours avec les périodes estivales la trop grosse chaleur.

Où est le petit garçon dans cet automne flamboyant ?

Jean-Laurent Cochet : Il est partout ! Il arrive avant moi en Vendée, il m’attend en Suisse, et il cavale depuis que je me sens mieux que j’ai rencontré un médecin sublime mes problèmes naissants d’arthrose. C’est lui qui marche pour moi. Je n’ai jamais marché aussi vite. Il dirige tout. Je n’ai jamais cessé d’être ce petit garçon. Comme il faut quand même être conscient, quand je me regarde dans la glace je fais un peu plus que onze ans, mais, intérieurement, c’est lui qui fait tout ça et qui me dis : "Crois tu ? C’est formidable !" et je lui dis : "Oui, je te remercie !".

Nous sommes indissociables et c’est pourquoi je ne suis jamais seul - on n’est d’ailleurs jamais seul - pourquoi j’ai cette solitude peuplée d’une part et puis, surtout, cet accompagnement permanent. Il fait le lien plus encore que moi qui besogne, moi c’est la carcasse, lui, c’est l’âme, avec tout ce qui se passe là-haut et ailleurs dans le monde, entre les funambules et les centenaires (rires) comme vous l’avez joliment raconté…..

En cette période que peut-on vous souhaiter pour 2008 ?

Jean-Laurent Cochet : Que tout ce que j’entreprends réussisse ! On ne peut rien me souhaiter de plus. Mais on peut me souhaiter le meilleur.

Et que sera 2008 ?

Jean-Laurent Cochet : Nous continuons "Aux deux colombes" au Théâtre La Pépinière-Opéra jusqu'au 1er mars 2008 émaillé de la reprise des cours de Paris et de Vendée où nous préparons déjà ce que sera le spectacle de fin de saison, au mois de mai.

Le 21 janvier, dans ce même théâtre, il y aura une chose, que je suis très heureux et ému de faire pour un tas de raisons, qui est une lecture à une voix de la pièce d’André Obey "Une fille pour du vent". Je propose cette lecture à l’occasion de la réédition de cette pièce, dont j’ai écrit la préface, qui est une des plus belles pièces d’Obey qui sont toutes sublimes et qui me touche tout spécialement parce que, juste avant de mourir, Laurent Blanchard l’avait mise en scène et que nous l’avions jouée ensemble. Il jouait le rôle du soldat mort ce qui était très impressionnant car il l’était déjà à moitié.

Et puis fin février il y aura une grande soirée à la Fondation Singer-Polignac où je ferai ma "Carte blanche" que l’on appelle aussi "Les coulisses de ma vie" au cours de laquelle je raconte des histoires et des anecdotes qui rendent fous de bonheur les gens de toute provenance. On rit énormément en évoquant des mots de l’époque où le français était encore une langue parfaite et les comédiens. Et puis, d’ores et déjà, je me suis remis au texte de "La Reine Morte", car ce n’est pas entre le 1er et le 4 mars que je vais y songer, et donc nous commencerons les répétitions en février.

Je vais avoir également différents galas à Luçon, dont un en hommage à Richelieu, et le gala de fin de saison à la Roche sur Yon. Nous rejouerons également "La Reine morte" en Vendée. Ensuite, nous ferons des festivals avec "Aux deux colombes". Et je viens d’apprendre que notre directeur Edy Saiovici, qui dirige le Théâtre Pépinière-Opéra, que nous reprendrons "Aux deux colombes" au Théâtre Tristan Bernard, dont il est également le directeur, de mai à septembre 2008.

Et ensuite commencera la tournée de ce spectacle sur une année. Ce qui ne m’empêchera pas de continuer les cours. Donc je pense que là j’en prends jusqu’à fin 2009. Sans parler d’autres projets qui devront bien trouver leur place. On vit d’espoir et c’est toujours plaisant quand l’espoir devient une réalité.

 

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La chronique de La Master Classe de février2007 : Marivaux

En savoir plus :

Le site officiel de Jean-Laurent Cochet

Crédits photos : Laurent (Plus de photos sur Taste of Indie)


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# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine

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"Perpétuel" de Vesperine
"Liminal status" de Watertank
"The great calm" de Whispering Sons
"Keep it simple" de Yann Jankielewicz , Josh Dion & Jason Lindner
Quelques nouveautés en clips avec Isolation, Resto Basket, Greyborn, Bad Juice, Last Temptation, One Rusty Band, We Hate You Please Die
nouvel épisode du Morceau Caché, consacré à Portishead
et toujours :
"Kit de survie en milieu hostile" de Betrand Betsch

"Let the monster fall" de Thomas de Pourquery
"Etat sauvage" de Chaton Laveur
"Embers of protest" de Burning Heads
"Sin miedo" de Chu Chi Cha
"Louis Beydts : Mélodies & songs" de Cyrille Dubois & Tristan Raës
"Arnold Schönberg : Pierrot lunaire" de Jessica Martin Maresco, Ensemble Op.Cit & Guillaume Bourgogne
"C'est pas Blanche-neige ni Cendrillon" de Madame Robert
"Brothers and sisters" de Michelle David & True Tones
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Au théâtre :

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"Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?" au Théâtre du Guichet Montparnasse
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Notes de départs" au Théâtre Poche Montparnasse
"Les chatouilles" au Théâtre de l'Atelier
"Tant que nos coeurs flamboient" au Théâtre Essaïon
et toujours :
"Come Bach" au Théâtre Le Lucernaire
"Enfance" au Théâtre Poche Montparnasse
"Lîle des esclaves" au Théâtre Le Lucernaire
"La forme des choses" au Théâtre La Flèche
"Partie" au Théâtre Silvia Monfort
"Punk.e.s" Au Théâtre La Scala
"Hedwig and the angry inch" au théâtre La Scala
"Je voudrais pas crever avant d'avoir connu" au Théâtre Essaïon
"Les crabes" au Théâtre La Scala
"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
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"Macbeth" au Théâtre Essaion
"Le chef d'oeuvre inconnu" au Théâtre Essaion
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"Le naméssime" de Xavier Bélony Mussel
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"Le squelette de Madame Morales" de Rogelio A. Gonzalez

Lecture avec :

"Hervé le Corre, mélancolie révolutionnaire" de Yvan Robin
"Dans le battant des lames"' de Vincent Constantin
"L'heure du retour" de Christopher M. Wood
"Prendre son souffle" de Geneviève Jannelle
et toujours :
"L'origine des larmes" de Jean-Paul Dubois
"Mort d'un libraire" de Alice Slater
"Mykonos" de Olga Duhamel-Noyer
"Des gens drôles" de Lucile Commeaux, Adrien Dénouette, Quentin Mével, Guillaume Orignac & Théo Ribeton
"L'empire britanique en guerre" de Benoît Rondeau
"La république des imposteurs" de Eric Branca
"L'absence selon Camille" de Benjamin Fogel
"Sub Pop, des losers à la conquête du monde" de Jonathan Lopez
"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
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