Pascal me confiait l’autre jour que lors du premier showcase de Jeffrey Lewis à Ground Zero, celui-ci avait dégoté dans les bacs une obscure galette de punk-rock. Le nom inscrit sur la pochette : Crass.
A défaut d’avoir côtoyé de près le mouvement punk underground du début des années 80, ce groupe n’évoquera certainement rien chez vous. Et pourtant, cette formation anarchique hyper politisée méritait bien une petite réhabilitation.
Ce à quoi Jeff l’hyperactif s’est attaché durant l’année 2007. Ainsi, sur quelques planches disponibles à l’intérieur du livret, il détaille ses premiers contacts avec la musique du quintet et explique la genèse de son projet.
Petit retour en arrière maintenant. Véritable tremplin vers une reconnaissance plus large, son précédent effort - Eastern And Western Songs réalisé avec son frère Jack - a quelque peu déçu avec le recul. A l’instar d’Adam le vert, Jeff et Jack avaient néanmoins eu recours aux grands moyens : enregistrement studio, arrangements travaillés, production confiée au mythique Kramer …
Difficile de savoir où le bât a blessé : la production trop lisse en décalage avec la scène et le matériel antérieur, la faiblesse de certains titres, la quasi-absence de morceaux lo-fi … Pourtant, au rythme de trois tournées européennes par an, le groupe continue à drainer un public d’habitués mais peine indéniablement à percer davantage. Toujours est-il que Jeffrey semble une fois encore avoir - intentionnellement ? - laissé passer sa chance …
L’occasion idéale pour s’offrir une récréation en forme de parenthèse discographique ! D’où sans doute la concrétisation de cet hommage aux anglais de Crass. Sans aucune pression. Premier fait notable
: contrairement à son prédécesseur, 12 Crass Songs s’affirme comme l’œuvre du seul Jeffrey Lewis.
Aux omniprésentes interventions de sa petite amie - Helen Schreiner - près. En effet, Dave Beauchamp, le batteur attitré n’intervient que sur une poignée de chansons. Et son frère Jack est tout bonnement absent du projet ; son récent déménagement à Seattle n’ayant a priori guère arrangé les choses. Voilà pour le personnel. Sur le contenu maintenant.
Histoire de rendre les textes plus percutants, Jeff n’a pas hésité à réécrire certains passages pour les ancrer plus profondément dans notre époque. Musicalement, une bonne dose de pommade a été nécessaire pour remodeler les compos bruitistes foutraques à la sauce Jeffrey Lewis. Mais le résultat s’avère particulièrement convaincant. A rapprocher de ses collaborations folk lo-fi avec Rachel Lipson, Diane Cluck ou Kimya Dawson …
On ne peut que déplorer l’absence de comptines écrites par de Jeff mais force est de constater que ce 12 Crass Songs assure sans s’essouffler ; du tube interplanétaire "Do They Owe Us A Living ?" à l’hilarant "Systematic Death", en passant les géniales "End Result" ou "Securicor", peu de baisses de régime sont à déplorer.
A la vue des prestations automnales, l’arrivée d’Helen Schreiner risque fort de sonner le glas du Jeffrey Lewis Band première mouture tant celle-ci cherche à s’imposer au sein du groupe. Au-delà d’une excellente parenthèse dans la discographie de Jeffrey Lewis, 12 Crass Songs constitue vraisemblablement le premier tournant majeur de sa carrière.
A se procurer sans délais pour débuter l’année 2008 sous les meilleurs auspices, le packaging soigné de l’objet et la redistribution de la moitié des profits à des associations caritatives constituant des raisons plus que valables. |