Spectacle d'après Thomas Bernhard conçu et interprété par Jolente De Keensmaeker, Sara De Roo et Damian De Schrijver dans une mise en place de Matthias de Konig.
Oubliez les frites et les histoires belges. Du rock de dEUS à la chanson réaliste d’Arno, du cinéma des frères Dardenne, double palme d’Or à Cannes et de Benoît Mariage en passant par Chantal Ackerman, des comédiens comme Yolande Moreau et Benoît Poelvoorde, par exemple, le plat pays chanté par Jacques Brel n’a pas peur de se hisser vers les sommets et la densité artistique au km² y est tout à fait singulière.
Côté théâtre, des compagnies novatrices explorent un nouvel esthétisme notamment par le recentrage sur l’acteur. En décembre 2007, le Théâtre Athénée-Louis Jouvet recevait la Compagnie Marius qui revisitait la comédie "Les Sunshine Boys" de Neil Simon.
Compagnie dont un des membres, Waas Gramser, fut le co-fondateur, en 1989, du collectif tg STAN, qui a pour charte le refus de tout dogmatisme, S(top) T(hinking) A(bout) N(ames), la déconstruction de l'illusion théâtrale et le théâtre contestataire, qui est actuellement, à nouveau, à l'affiche du Théâtre de la Bastille avec "Sauve qui peut, pas mal comme titre" adapté des "Dramascules" de Thomas Bernhard.
Le collectif tg STAN ne pouvait pas ne pas rencontrer le théâtre vitupérant de Thomas Bernard, théâtre de profération, de l’angoisse et de l’absurde, qui dénonce autant le nazisme que le théâtre du monde ("Tous nazis !", "Tous cabots !") et ces courtes pièces en un acte qui traquent les sources insidieuses du fascisme ordinaire sur fond de bonne conscience.
Les personnages fantoches, clowns tragiques, anonymes et banaux, dans le discours duquel, discours qui traduit des pulsions destructrices, chacun peut reconnaître un voisin, un parent, un collègue, et, peut-être, lui-même, pataugent dans le vide existentiel, la frustration, l'angoisse, la peur de l'autre, autant du conjoint que de l'étranger, terreau propice à l'ancrage de croyances terrifiantes. Des individus effroyablement normaux destinés à devenir, au pire, bourreaux latents, au mieux, suppôts du racisme de bon aloi.
Le jeu non figuratif des trois officiants, Jolente De Keensmaeker, Sara De Roo et Damian De Schrijver, toujours sur le fil du rasoir de la langue contrapuntique de Bernhard, pousse le burlesque et le tragi-comique dans ses derniers retranchements.
D'où un spectacle inattendu, percutant et profondément perturbant.
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