D'habitude Jean-Laurent Cochet aime entrer sur scène sans roulement de tambour, presque en catimini avec la souplesse malicieuse du Chat d'Alice, alors que le public est encore tout à son excitation du jour et ses bavardages du moment.
Aujourd'hui, le plein feu de la salle éteint, il s'écoulera ainsi un moment propice à l'installation du silence.
Puis, Jean-Laurent Cochet arrive dans une bien belle forme, quand on pense que, simultanément à la dispense de ses cours, il est sur cette même scène du Théâtre de la Pépinière-Opéra tous les soirs et qu'il a commencé les répétitions de "La Reine morte" qu'il jouera dès le 4 mars au Théâtre 14.
Il se réjouit de voir, ce soir, une partie de la salle occupée par un très jeune public, des lycéens de seconde, qui se montreront particulièrement attentifs et discrets, prenant conscience du lieu dans lequel il se trouvait dès que, à la première velléité de manifestation bruyante, le Maître propose à son auteur de venir s'exprimer directement sur scène.
Après une délicieuse histoire sur la fausse note et le trac, Jean-Laurent Cochet annonce l'exercice des fables avec une présentation très circonstanciée de son indispensabilité et (re)situe, de manière très rapide mais didactique, sans doute galvanisé par ce jeune public, La Fontaine dans son œuvre, dans son siècle et dans l'histoire de la littérature.
Au programme ce soir, "Le mail aimé", "Le chameau et les bois flottants" et "Le lièvre et les grenouilles".
Ensuite, avec ceux qu'ils nomment les deux poètes, Laurent et Jean-Baptiste, le public a le plaisir d'entendre, et de découvrir pour certains, un texte extrait de "La possession du monde" de Georges Duhamel et l'épilogue des "Poèmes saturniens" de Verlaine.
Puis théâtre et travail approfondi d'une scène avec une scène d'"Andromaque" de Racine. Le public peut alors constater et apprécier la complexité de l'analyse d'une scène et des répliques qui se fait au mot près pour situer l'action, le caractère de personnages, la situation et surtout la manière de dire le texte de le porter jusqu'au spectateur "notre métier c'est la chair qui se fait verbe"
Enfin, avec des élèves plus aguerris, Jean-Laurent Cochet propose deux exercices périlleux, difficiles, spectaculaires, et totalement enthousiasmants.
L'exercice du trapèze dans lequel trois élèves interprètent le même rôle en alternance impromptue puisque c'est Jean-Laurent Cochet qui cite le prénom de celui qui doit immédiatement reprendre la parole sans qu'il n'y ait de hiatus pour le spectateur. Exercice destiné non seulement à la concentration sur son texte mais également l'attention à son partenaire avec la très véloce première scène de "Les fâcheux" de Molière.
Le second, qu'il a initié la semaine dernière, à la Master Classe qui s'est déroulée à Saint Germain en Laye, se présente comme le travail d'une scène par un élève selon les indications de deux autres qui sont déjà parvenus à un travail maîtrisé de cette même scène. Ce soir l'exercice porte sur le lamento du jardinier extrait de "Electre" de Jean Giraudoux et clôt une soirée riche encore en plaisirs inattendus. |