La Galerie des Gobelins consacre à Pierre Paulin une rétrospective de ses 40 ans de collaboration avec le Mobilier National qui conserve, commande ou crée le mobilier de la République.
En effet, dans ce cadre, ce designer français octogénaire, créateur d’archétypes, a régulièrement travaillé avec l’Atelier de Recherche et de création (ARC) du Mobilier national et a été personnellement sollicité par deux présidents de la République.
Sous le commissariat de Catherine Geel, critique et, notamment, chargée de cours d’histoire de théorie du design à ENS de Cachan, "Pierre Paulin - Le design au pouvoir" revêt une très intéressante scénographie élaborée par l'Agence Moatti et Rivière qui a exploité et scénarisé le lieu d’exposition, composé de deux niveaux de manière à mettre en perspective les créations présentées.
Ainsi, le rez-de-chaussée de la Galerie des Gobelins est devenu une galerie des glaces avec un plafond miroitant et des socles de présentations en miroir qui permet une vision à 360°.
A l'étage, consacré notamment à la présentation du mobilier présidentiel de l’ère pompidolienne, a été privilégié un éclairage scénographié pour des pleins feux tamisés sur les courbes.
Entre temps, le magnifique escalier se prête à la surprenante suspension en mobile d'une sélection de sièges choisis par Pierre Paulin dans la collection du Mobilier National en contrepoint à ses propres créations.
La pureté de la ligne
En regard du très rationnel mobilier de campagne de Napoléon 1er, l’exposition commence avec la CM190, la reine des chaises de l’administration française, qui inonda les lieux publics et dont Pierre Paulin fut le concepteur à une époque où le terme design n’existait pas.
CM190 c’est un piètement en acier tubulaire laqué et de la mousse recouverte de skai créée en 1958. Pratique et suffisamment confortable pour une assise à usage intensif.
Dans les autres pièces comme la table "Cathédrale" en aluminium et les bureaux de direction ou celles du mobilier dit "de prestige", dont le bureau commandé par François Mitterrand en 1984, réalisé en bois laqué, accompagné de son fauteuil en amarante et cannage, la courbe a cédé la rigueur de la ligne droite.
La rondeur organique et fonctionnelle
Dès la fin des années 50, Pierre Paulin innove avec un mobilier d'inspiration bucolique, très coloré et tout en rondeur, sont réalisés avec des matériaux contemporains novateurs comme la mousse et le jersey extensible qui habillent des armatures ingénieuses toutes en courbes.
Ainsi, les sièges "Mushroom", "Tongue" et "Ribbon" revisitent les archétypes du siège et préfigurent les années pop.
Dans les années 70, Pierre Paulin est convié à aménager les appartements élyséens privés du couple Pompidou féru d'art contemporain. En opposition à l'antichambre éclatante et cinétique créée d'après l'oeuvre "Double métamorphose" du plasticien Yaacov Agam, Pierre Paulin privilégie le monochrome et propose un mobilier d'inspiration florale, comme les chaises "Tulip" et la table fleur, conjuguant le tissu avec le verre trempé, l'altuglass et l'aluminium.
Des créations qui sont devenus des classiques et s'inscrivent aujourd'hui dans la tendance vintage et suscitent un nouvel engouement. D'où le double intérêt de cette exposition qui, en sus, rend hommage à un designer qui fut plus reconnu à l'étranger que connu dans son pays. |