Depuis cette interview mémorable et la private session qui s’ensuivit, on l’attendait de pied ferme ce fleuron norvégien, le gars capable de sortir d’une guitare 12 cordes les choses les plus invraisemblables, à commencer par l’idée saugrenue dans la tête de chaque auditeur qu’un groupe de 25 guitaristes et percussionnistes divers est planqué derrière le rideau de fond de scène pour justifier le barouf incroyable qu’il déploie à chaque chanson… alors qu’il est seul sur scène…
Bref, Bjorn Berge, l’ex ouvrier de plates-formes pétrolières en Mer du Nord, Bjorn Berge le facétieux, (si, si, il l’est) était à Paris pour la sortie d’un nouvel album live (CD+DVD), compilation de ses tournées en Europe, astucieusement nommé Live in Europe.
La salle est comble - enfin quasi - de looks les plus divers, endossés par un panel d’âges qui couvre la sortie de collège, jusqu’à la retraite bien méritée - ou pas d’ailleurs, mais là n’est pas mon propos.
Et d’ailleurs, autre comble, s’il en fût (digression quand tu nous tiens) : nous sommes tous autant et divers que nous sommes, assis. C’est quand même dingue quand on sait ce qui nous attend (envies diverses et variées de sauter dans tous les coins en prétendant notamment être les fans ultimes de Lemi Motörhead) – j’en appelle donc aux plus sortants d’entre vous : me fourvoie-je en imaginant ladite salle libérée de ses sièges sagement disposés en amphi ?
Bref, admettons qu’il faille y voir une attention toute bienveillante de l’organisateur à l’attention de la partie du panel la plus éloignée du collège…. Nous sommes donc tous sagement – et fébrilement- assis.
H Burns, l’ardéchois folk, ouvre vaillamment le concert, en version seul-avec-sa-guitare et propose en 30 minutes un aperçu plus qu’honorable de son album How strange it is to be anything at all qui avait impressionné Froggy's Delight. L’ambiance se pose doucement avec les mélodies successivement mélancoliques ou rageuses des titres qu’H Burns chante en anglais.
Puis Bjorn Berge arrive rieur, décontracté, lunettes sur le nez, cheveux blonds mi-longs, accueilli par un tonnerre d’applaudissements (si, si, c’est ce à quoi ça ressemblait le plus, je vous assure !). Le Norvégien s’installe sur une chaise en milieu de scène, entre deux 12 cordes, on distingue à peine la pédale qu’il utilisera pour accentuer le rythme de certaines chansons.
Il démarre à 100 à l’heure avec un titre perso "Blues Hit Me" et…c’est peu dire ! Nous sommes tous collés à nos dossiers (finalement, c’est peut être pour nous protéger contre ces accélérations que le gentil organisateur n’a pas viré les sièges). Il profite de la fin du premier morceau pour se présenter, mi-rigolard, mi-incertain ("ils me connaissent vraiment tous ????"). Nous nous faisons un plaisir de le rassurer.
C’est parti pour 2 heures d’une intensité incroyable : quelques titres perso et surtout des reprises. En effet, depuis son dernier opus I’m the anti-pop, Berge déclare vouloir rendre la politesse à tous ceux et celles qu’il admire et qui l’ont inspiré depuis des lustres.
Des reprises, donc, que peu se risqueraient à jouer et que le bonhomme revisite systématiquement de la cave au grenier pour en livrer une version "blues" ou, pour être plus proche de la réalité, BjornBergo-bluesèque, jamais entendues, parmi lesquelles l’immense "Ace of Spades" (du susmentionné Lemi Motorhead - saluée, en intro par des hurlements de plaisir et à la fin par le même tonerre-machin- qui n’est même pas lassant), "13 question method" (Chuck Berry - la liste des questions magiques qui vous assureront de ne pas finir la soirée seul(e) est émaillée de rires, solos, de commentaires et de clins d’œil du meilleur effet cabotin), "Give it Away" (Red Hot Chili Peppers - le public se tient à peine et ne se le fait pas demander 2 fois quand Berge lui demande de chanter de conserve), "Buena" (Morphine - la transe….) ou encore "Black Jesus" (Everlast - envoûtant).
Et à chaque fois une (re)découverte :cet homme est non seulement capable de sortir des sons et des rythmes par cascade de sa guitare, toutes les méthodes y passant (picking, arpèges, bottle neck, à plat sur les genoux, derrière les oreilles… euh, non, là j’abuse) en un show constant, mais également de proposer une version extrêmement enthousiasmante du blues, personnelle, nettoyée, dépoussiérée, pfff le bonheur, quoi !
Une espèce de transe bienheureuse, qui vire à la franche hystérie en fin de concert quand, après deux rappels et autant de standing ovations, Berge le facétieux (je vous avais prévenus) termine par une chanson folklorique dite "chanson de la montagne" (je vous épargne la version norvégienne) qui, bien que présentée comme la-chanson-qui-rend-fou, ne menace finalement que les phalanges et autres métacarpes du pauvre homme (qui ne semble pas s’en soucier le moins du monde), et porte à son comble notre plaisir à tous.
Vous n’y étiez pas ?
Dommaaaaaaaaaaaage ! |