A Magny les Hameaux, situé dans le domaine des Granges au sein d'un parc de 10 hectares à l'orée de la vallée de Chevreuse, très beau isolé et calme propice à la promenade champêtre et à la méditation, le Musée de Port-Royal des Champs, qui domine les ruines de la célèbre abbaye de Port-Royal des Champs, rasée en 1711, un des hauts lieux de la réforme au 17ème siècle et de la pensée janséniste, présente une exposition singulière "Mère Geneviève Gallois - Vision du cloître au XXème siècle".
Philippe Luez, le directeur du musée, l'a initiée pour montrer, vue de l'intérieur, la vie au quotidien, au début du 20ème siècle, des religieuses cloîtrées dans les saintes demeures du silence à travers l'œuvre d'une d'entre elles, une sélection importante de près de la moitié des planches qui composent le cycle des "Scènes de la vie conventuelle".
Une exposition à l'intérêt pluriel. En effet, elle permet, à partir d'un propos historique et anthropologique, de visualiser la clôture dans ce qu'elle a de plus élevé comme de plus ordinaire à travers le langage personnel et résolument moderne d'une artiste au destin atypique.
Mais également d'aborder à travers une thématique peu abordée dans l'art religieux, une œuvre profondément inspirée, et néanmoins esthétique, d'une femme peintre, graveur et verrier, à confronter avec le mouvement de renouveau de l'art sacré qui intervient au 20ème siècle.
Enfin, de découvrir une œuvre très rarement exposée en raison de sa genèse même. En effet, avant d'intégrer l'ordre des Bénédictines et devenir Mère Geneviève Gallois, Marcelle Gallois était une artiste reconnue dans le milieu du dessin satirique. Son art, une passion mise en sourdine au couvent, retrouve à s'exprimer grâce à l'insistance et à la commande de Paul Alexandre, amateur d'art éclairé, qui est fasciné par ses dessins proposés dans une vente de charité, qui donnera naissance à ces 152 planches des "Scènes de la vie conventuelle". Et chose rarissime, ces oeuvres n'ont jamais été commercialisées et sont toujours détenues par la famille Alexandre.
Une artiste captive volontaire
Philippe Luez évoque, à juste titre, dans son essai figurant dans le catalogue de l'exposition, la réconciliation des vocations de Mère Geneviève Gallois.
Ses gouaches "schizophrènes" révèlent simultanément l'œil aiguisé et la plume pertinente d'une observatrice sans concession de la vie du cloître, et la transcendance du prosaïque au divin, le dessin comportant souvent des textes intégrés à la composition et supports de méditation.
On est loin des archétypes édulcorés de l'imagerie populaire de la chaussée aux moines ou des fabricants de liqueurs, le renoncement au monde ne se parant d'aucune couleur. Tout est gris, noir, brun. Car les captives volontaires sont astreintes aux tâches quotidiennes que Mère Geneviève Gallois qualifie, selon une tautologie textuelle lourde de sens, de besognes basses et abjectes. Seules taches de couleur le vert des arbres du jardin ou le rouge de la croix moniale.
La foi vue de l'intérieur à travers les corps
Dans les divers lieux austères et miséreux de l'abbaye, Mère Geneviève Gallois peint des corps de religieuses, femmes réduites à des ombres fantomatiques, sans visage ou aux traits difformes, au corps effacé par l'habit monastique dont elle célèbre par le pinceau "les plis magnifiques de la Robe d'Intégrité dont il revêt l'homme déchu". Des corps effacés au monde dont on entrevoit parfois les soubresauts charnels comme dans le trio de "La fin de la récréation".
La technique de l'affiche et de la caricature se retrouve dans la précision et l'acuité du trait expressif qui laisse deviner le geste sans repentir ni retouche même si des esquisses, dont certaines sont montrées, témoignent néanmoins d'un travail de composition.
Cette artiste a également œuvré dans la gravure, dans laquelle elle voyait l'expression "du drame qui se joue entre l'âme et Dieu, et dans le vitrail qui par ses couleurs lui évoquait "le frétillement du monde surnaturel". |