Alain Chamfort et Etienne Daho pourraient très bien se cacher derrière cet étonnant pseudonyme. C'est vrai, on imagine assez bien nos deux piliers de la pop à la française réunis incognito pour élaborer cet album électro rock si tendance en ce moment. Penchés sur leurs ordinateurs et sur quelques racks de sampleurs, ils auraient donné congés à leurs musiciens et enfermés dans un loft, ils auraient donc donné naissance à Daven Keller star imaginaire et prétendu auteur de ce Réaction A.
Car évidemment ce Keller là n'existe pas plus que Chris Conty. Il s'agit d'un personnage imaginaire et Réaction A est une espèce de comédie musicale dans laquelle il évolue, de "Indigène" à son exil à "L.A. Californie".
Amérique qui, d'ailleurs, verra Daven Keller revenir vers un format et une ambiance beaucoup plus sobre, ayant retiré (presque) toutes ses machines des compositions. Le calme après la tempête en somme qui peut laisser penser que Pierre Bondu reviendra à ses premiers amours et ses arrangements délicats qui nous avaient séduit sur Quelqu'un Quelque Part.
Car oui, Daven Keller, ce n'est ni Chamfort, ni Daho, mais bel et bien Pierre Bondu. Aussi surprenant que cela puisse paraître et même si déjà, en 2004, lors d'une interview dans Froggy's Delight, il évoquait "quelque chose de différent, sans cordes", comment s'attendre à ce personnage haut en couleur, avec un ceinturon à ses initiales, tel un rappeur en mal d'identité ? Personnage qu'il faut prendre pour ce qu'il est… un second degré, un double incontrôlable, un amuseur et un trublion.
Et en cela, l'album Reaction A est une réussite. Voix plus affirmée, textes plus obscures et moins "pop" dans les arrangements, comme sur "Brune Nazareth", presque hip hop. Exit les petites histoires du quotidien, bonjour le road movie poétique et un rien grande gueule, juste assez pour crédibiliser ce personnage à paillette.
Musicalement, c'est bien entendu d'autant plus surprenant pour ceux qui connaissent l'autre facette de Bondu. Très électro rock donc avec de surprenantes choses comme le folk de "Aujourd'hui comme demain" qui se termine dans un déluge de guitares et de machines, et qui s'avère d'ailleurs être un véritable tube, à mon goût beaucoup plus fort que le trompeur "Désormais Solaire", trop tape à l'œil et qui nous envoie, écouté séparément du reste du disque, sur de mauvaises pistes pour découvrir cet album plus riche qu'il n'y parait au premier abord.
Car on aurait tort de croire que Réaction A se résume à quelques boucles de sampleurs et des textes sans queue ni tête, il suffit de tendre un peu l'oreille pour se faire haper par l'univers bling bling de Daven Keller. Du tape à l'oeil de bon goût en quelque sorte, inventif et à plusieurs degrés de lecture. Curieusement, cette débauche sonore ne tombe jamais dans le mauvais goût, ni dans le kitch, signe que les chansons tiennent la route au-delà de ce rythme endiablé qui voudrait nous faire croire qu'il n'y a qu'à danser sur ce disque.
Et lorsqu'on retrouve Pierre Bondu sur "Outre Atlantique" avec ses cordes délicates, c'est pour l'entendre chanter "Je respire […] pour une fois que je suis moi". Eloge de ma schizophrénie aurait peut-être fait un bon titre d'album, Reaction A, n'est pas un titre si mauvais cependant, pour ce disque à contre-courant et pourtant tellement dans l'air du temps.
Réaction A ressemble à une pop futuriste inventée par Daven Keller, à l'image de ce que l'on imaginait de l'an 2000 dans les années 60. Daven Keller est en tout cas un des artistes electro rock français des plus intéressants, inventifs et joueurs.
Avec un peu de chance, nous chanterons tous "D.A.V.E.N. K.E.2L.E.R" (sur "Indigène") cet été ! |