Comédie dramatique de Daniel Keene, mise en scène de Robert Bouvier, avec Antonio Buil, Dorin Dragos, Abder Ouldhaddi, Boubacar Samb et Bartek Sozanski.
"Cinq hommes" c'est une baraque de fortune, un travail de journalier, l'errance pour les uns, l'espoir pour les autres, l'exil pour tous, loin de chez eux, loin d'eux-mêmes aussi. Tous différents et pourtant tous animés d’une volonté de vivre ou de survivre même si elle emprunte des voies différentes.
La thématique n'est pas nouvelle, de la littérature américaine de l'idéal du pauvre, au cinéma néo-réaliste ou au théâtre épique, mais ce sont toujours les mêmes thèmes qui nourrissent le théâtre vivant.
Daniel Keene, dramaturge australien, s'intéresse au coeur de l'homme et délivre ici, sur toile de fond d'immigration et de misère ouvrière, une histoire simple dans laquelle l'homme même au plus bas de l'échelle peut être lumineux même s'il n'échappe pas aux bassesses. Et il évite tous les écueils du genre, l'angélisme, le manichéisme comme le compassionnel et la dénonciation velléitaire.
Robert Bouvier, directeur du Théâtre du Passage de Neuchâtel, a opté pour une distribution internationale et polyglotte et une mise en scène très sobre, dans la lignée du réalisme social et humaniste.
Dans un dispositif scénique très frontal qui abolit la notion de plateau, à quelques centimètres des spectateurs, le public face au mur dans lequel apparaîtront chambrée cavernicole et bar pouilleux, Antonio Buil, l’Espagnol, Dorin Dragos, le Roumain, Abder Ouldhaddi, le Marocain, Boubacar Samb le Sénégalais et Bartek Sozanski le polonais, qui portent en eux, comme chacun de nous, une parcelle de l’humanité de leurs personnages, transcendent le tragique du quotidien à travers les pauvres mots.
Mais pas besoin de grands mots pour évoquer les angoisses existentielles, universelles et intemporelles, que chacun tente de conjurer à sa façon. Les comédiens, même s'ils n'ont pas tous des partitions égales, réussissent une belle prestation et donnent une vraie incarnation à ces hommes, comme le Pegasus de Steinbeck dont l'âme lourde essaie de voler.
De leur passage, de leur rencontre, il ne restera rien en dehors de cette construction éphémère et anonyme. Quoi que. Si, peut être quelques graines d’humanité semées dans leur cœur qui les accompagneront au fil de leurs pérégrinations erratiques, dont on souhaite qu’elles les ramèneront un jour, apaisés, chez eux, et leur souvenir sous la plume de celui qui veut raconter des histoires. L’histoire de cinq hommes.
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