Tragi-comédie de Michel de Ghelderode, mise en scène de Philippe Awat, avec Sandrine Bounhoure, Anne Buffet, Jean-Marc Charrier, Jean-Charles Delaume, Gora Diakhaté, Florent Guyot, Bruno Paviot, Magali Pouget et Lionel Robert.
"Pantagleize", tragi-comédie qualifiée par son auteur lui-même, Michel de Ghelderode, comme un "vaudeville attristant en trois actes, neuf tableaux et un épilogue" narre la journée marathon d'un philosophe médiocre, homme ordinaire et pantin lunaire, archétype du naïf, dont la vie atone va être télescopée par un épisode révolutionnaire.
Un quiproquo, né d'une phrase anodine qui se trouve être le signal d'une insurrection, à l'instar du héros de "Mort aux trousses" d’Alfred Hitchcock, va faire briller cette belle journée d'éclipse comme un feu de bengale et entraîner l'homme au nom bizarre et à l'âge critique dans un tourbillon de folie qui sera son chant du cygne.
Philippe Awat a pris à bras-le-corps ce texte syncrétique, pour lequel on cite en référence aussi bien Brecht que Feydeau, en y instillant le souffle de l'épopée donquichottienne et le rythme du feuilleton rocambolesque et en fédérant une troupe de comédiens homogène et investie.
En tête, Bruno Paviot, ébouriffant anti-héros ahuri, entre Buster Keaton et Fadinard, saisi par l'amour et la métaphysique, est entouré de Anne Buffet, ténébreuse juive et glamoureuse à la Chandler, Magali Pouget désopilante secrétaire militaire et saisissante avocate aux prises avec la justice expéditive des lendemains qui déchantent, Sandrine Bonhoure en Gavroche insurgé, Lionel Robert, intrigant policier à la Peter Sellers, Jean-Marc Charrier formidable général d'opérette, Florent Guyot, inquiétant loufiat, Jean-Charles Delaume hallucinant poète et Gora Diakhaté très drôle majordome Bam-Boulah.
La mise en scène très cinétique de Philippe Awat, dans une époustouflante scénographie de Grégoire Faucheux conçue à partir de cimaises mobiles qui font du morphing scénique et impulsent un rythme chorégraphique, s'avère une belle réussite d'autant que, soutenue par une brochette d'interprètes tous épatants, elle concourt à un spectacle à géométrie variable et à plusieurs degrés de lecture, du divertissement au conte philosophique, qui enchantera tous les publics. Ce qui n'est pas le moindre de ses atouts.
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