Je ne sais pas qui peut bien être Willard Grant, toujours pas depuis les nombreuses années qui ont vu passer déjà 6 albums de ce groupe américain à géométrie variable, mené de mains de maître par Robert Fisher, imposant bonhomme à barbe à l'air aussi jovial que ses chansons sont tourmentées.
Willard Grant Conspiracy est donc le groupe monocéphale mais au nombre de bras incalculables de ce robuste gaillard, taillé davantage a priori pour le bucheronnage que pour composer de délicates mélodies. Monocéphale parce que Fisher est plutôt du genre solitaire au fond de son désert américain lorsqu'il compose.
Les bras, d'un nombre indéfini oscillant entre 5 et 15 paires (il annonçait 37 personnes sur son album précédent, rien que ça) s'ajoutent alors à ceux de Fisher pour donner corps et sens à son œuvre. Guitares, piano, percussions, cuivres et cordes, les albums de Fisher sont aussi riches et beaux que Paris Hilton, la vulgarité en moins et l'intelligence et la sensibilité en plus.
Évidemment, ce qui frappe dès la première écoute, c'est la ressemblance avec Nick Cave et ses Bad Seeds. Même voix grave, même noirceur dans le fond et dans la forme. Les thèmes sont néanmoins différents de ceux de l'australien à moustache, et la religion est remplacée par des histoires plus terre à terre.
Et même si le cowboy a quitté son désert pour la luxuriance écossaise afin d'enregistrer ce disque, il n'en reste pas moins que ça sent le sable, le soleil et l'indispensable et menaçant total n'est jamais loin. Pas de musique de western pourtant ni de mariachis, mais une ambiance à la fois oppressante et pleine d'allégresse et de nonchalance parfaitement mis en valeur sur le touchant "The Great Deceiver" mélangeant duo et chœurs sans tomber dans d'affreux clichés gosses.
Des chœurs, il y en a aussi sur "The Pugilist" et son piano accompagné de roulements de tambours apportant une certaine solennité et beaucoup d'émotion à la voix grave en restant presque un murmure de Fisher. "Verpers" très sombre s'aventure presque un sur les terres noires de Dead Can Dance.
Pilgrim Road est un vrai chef d'oeuvre dans la discographie de Willard Grant Conspiracy et ne vous laissera pas de marbre tout au long de ce chemin du pèlerin, que l'on imagine sans peine grand et massif, hirsute et vouté sur son bâton de marche qui ressemblerait étrangement à une guitare.
Fisher et sa bande montrent encore une fois que la tristesse peut se porter avec panache. On n'a pas si souvent l'occasion d'être autant touché par un disque, je vous le dis, la larme à l'oeil en écoutant "The Great Deceiver" encore une fois... |