En 1978, le Figaro Magazine innovait en France en proposant un supplément en couleurs pour donner "la parole aux images" qui reprenait un concept qui avait été notamment celui du magazine mensuel illustré Réalités.
Cette formule pérennisée fête son trentième anniversaire et propose sous le titre "30 ans d'émotions, les photos du Figaro Magazine" une sélection de photos exposées sur les grilles du Jardin du Luxembourg selon un parcours chronologique et une thématique, l’émotion, mais au pluriel.
L'exposition commence donc en 1978 avec Mère Térésa photographiée in situ à Calcutta par Jean-Claude Francolon et s'achève, Paris oblige, par une photo d'Elodie Grégoire qui surprend la Tour Eiffel, vue d'en haut, dont seule la pointe émerge des nuages.
Entre temps, 80 photos constituent un album contrasté de l'état du monde et de l'homme et donnent un coup de projecteur sur la photographie documentaire et de reportage.
L'actualité : l'état du monde
La sélection n'a pas forcé sur le choc des photos avec des photos à sensation.
Ont été privilégiées celles qui témoignent, suggèrent et incitent à la réflexion comme ces deux policiers new yorkais rescapés des attentats du 11 septembre 2001 se tenant par la main, sorte d'Adam et Eve d'un monde épouvanté de robert Stolark ou la chute du mur de Berlin de Patrick Piel.
Les catastrophes naturelles sont toujours présentes, après le passage du cyclone de John Berry Smiley et N. Pool, la pénurie d'eau en Inde (Amit Dave), la famine au Soudan Tom Stoddart ainsi que les conflits meurtriers de Belfast à Kaboul en passant par la Bosnie et l'Irak restent prégnantes (Yann Morvan, Eric Bouvet, Thomas Goisque et Bruno Barbey)
La symphonie fantastique de la nature
Avec l'incontournable Yann Arthus-Bertrand, qui photographie le Val de Saône inondé, la beauté esthétique des paysages naturels inspire toujours les photographes, du phare d'Ouessant de Jean Guichard au fleuve Niger après la tempête de sable de Rémi Benali et une cascade vietnamienne traversée par des bonzes de Dang Ngo, les volcans remportant la palme (Katia et Maurice Kraft, Olivier Grunewald et Nichols).
Et si l'homme et la nature peuvent vivre en étroite symbiose (la symphonie en bleu dans la mer indonésienne de David Doubilet, le ballet des dauphins avec les bateaux de Michel et Christine Denis-Huot), cette dernière est souvent malmenée par la main même de l'homme.
La terre est fouillée (la fièvre de l'or en Amazonie par Ghislaine Morel), la mer polluée (la marée noire à Belle-ile-en-mer vue par Xavier Desmer) et les déchets envahissent tout (les sacs plastiques dans les branches des arbres de Philippe Maille, la montagne de pneus usagés en Californie de José Azel) et les forêts calcinées (l'abattage des arbres en Chine de Tian Li).
Quant aux animaux, si les ours blancs de Frans Lanting dansent encore sur la banquise canadienne, les dépouilles des gorilles du Gabon fixées par Nrent Stirton exterminés troublent le regard.
Des portraits étourdissants
Les portraits de célébrités sont souvent étonnants tels Soljénitsyne hurlant au fond des forêts enneigées du Vermont de Harry Benson, Fidel Castro dans une église de Gérard Rancinan, du maître forgeron japonais de Francis Giacobetti ou l'abbé Pierre traité de manière expressionniste par Martine Franck.
L'émotion est toujours au rendez-vous avec les portraits des anonymes.
Anachronisme avec les guerriers éthiopiens au corps recouvert de peintures rituelles et armés d'une mitraillette de Pierre de Vallombreuse ou la guérillera népalaise avec son T-shit Britney Spears de Tomas Van Houtryve.
Beauté et sérénité avec la danseuse indienne de Roland et Sabrina Michaud, de l'enfant tibétain de Olivier Follmi et des cueilleuses de thé en Chine de Patrick Aventurier.
Et puis le regard inoubliable des enfants victimes de la folie du monde et des tragédies modernes.
Le regard apeuré de l'enfant guerrier angolais de Jean-Pierre Laffont, les enfants roumains de Copsa Mica de Vincent Leloup, la maigre silhouette d'une réfugiée en Somalie qui erre parmi les marabouts de Jean-Claude Coutalisse.
Et la petite fille indienne dans un village contaminée par la poussière de graphite produite par recyclage des piles qui fixe le photographe, Shehzad Noorani. |