Ce sera la première fois que je mets les pieds et les oreilles dans cette salle récemment réouverte qu'est l'Alhambra. Il faut dire qu'elle est restée fermée pendant trente ans, tout de même. Cet ancien théâtre, dispose de places assises au balcon et un par terre relativement spacieux.
L'ouverture du concert est assurée par Mehdi Haddab, musicien au sein de Speed Caravan, qui est à la fois heureux et ému, car comme il nous le dira, d'habitude, il est accompagné de ses comparses et se sent nu.
Mehdi joue du Oud, instrument traditionnel arabe à cordes pincées, détourné de son usage originel par l'utilisation de l'électricité, d'une pédale Wah-Wah et d'un pédalier d'effets lui offrant l'opportunité de travailler des boucles, et ainsi de partir dans des envolées distordues entre blues, rock et mélodies orientales.
L'ensemble donne l'impression d'écouter du Léhéd Zéhéplin (je fais très mal l'accent maghrébin à l'écrit, désolé) un mélange surprenant.
La nudité dans laquelle Mehdi se trouve est touchante, il se confond en remerciements au public et louanges envers l'ancien chanteur de Kat Onoma. Il jouera quelques titres avant de tirer sa révérence.
Après une attente, jugée par certains interminable, le géant alsacien entre enfin sur scène, il est accompagné d'un bassiste qui jouera aussi du clavier et d'un batteur à couper le souffle.
"Avance" sera le titre d'introduction, Rodolphe Burger est installé sur un tabouret, guitare sur la cuisse, à ses cotés, une table ornée d'un sampleur et un pupitre soutenant un livre intitulé sobrement No Sport.
L'homme remue sur son siège de manière désordonnée, féline, il est déjà en transe dès les premières notes, le regard dans le vague.
Suivront quantité de titres du dernier album, tous magiques, "Elle Est Pas Belle Ma Chérie", et "Vicky" sont en particulier marquantes.
Black Sifichi montera pour l'accompagner sur "Cheval Mouvement". Le titre sera un long crescendo incroyable, qui finira par retomber sur ses pattes dans une cassure de rythme, la salle en gloussera de plaisir.
L'enchainement sera une reprise de David McWilliams, "The Days Of Pearly Spencer", un tube des années 60, que Rodolphe fera sien ce soir, toujours accompagné de Black Sifichi.
Arrivée sur scène de Rachid Taha tout de blanc vêtu pour "Arabécédaire", les deux amis exécuteront ce titre lourd de sens. Il était évident que Rachid devrait être présent pour ce titre.
Convocation de James Blood Ulmer par l'entremise du sampleur pour "Marie", le titre qui avait déjà séduit sur l'album est ici magnifié par le jeu de guitare et le martèlement de la batterie.
Arrivée de Poulout, l'homme au Korg et à la chevelure impeccable, pour jouer "Ensemble", enchainé avec "Billy The Kid" qui verra le retour de Black Sifichi. Ce sera sur ce titre que les musiciens se retireront, mais pas pour très longtemps.
Ne voulant pas en rester là, le public en redemande à corps et à cris. Rodolphe et ses musiciens reviendront pour "The Passenger", titre parfaitement joué.
Le concert se clôturera sur le retour de tous les invités de la soirée, pour un long final, légèrement troublé par un Rachid Taha facétieux.
Le blues, ce soir, a pris possession de l'Alhambra, tout comme il a pris possession de Rodolphe Burger il y a bien longtemps.
Il vit avec cette bête qu'il a apprivoisée avec ses doigts et avec son cœur, la guitare semble être l'instrument de domptage de cet animal sauvage. L'accueil réservé ce soir au public par Rodolphe Burger était grand, une belle surprise et une soirée parfaite préparée par un homme de grand talent. |