Comédie dramatique de Molière, mise en scène de Idriss, avec Thierry Garet, Mathieu Davidson, Rémy Oppert, Alexandre de Morant, Anne Ségolène, Diane de Segonzac et Aurélie Van Marsenille.
Symétrique des nobles qui redorent leur blason en épousant une roturière bien dotée, le riche paysan George Dandin qui rêve, fort légitimement de s'élever dans l'échelle sociale, franchit trop allègrement plusieurs étapes en une fois, en s'offrant un titre de noblesse par une alliance avec une épouse désargentée à particule. Mais s'il n'est déjà plus un paysan, il a notamment perdu la légendaire rouerie attachée à cette condition, il le restera toujours aux yeux des autres dans une société où la naissance colle au pourpoint.
"George Dandin" est une pièce exemplaire pour illustrer la plasticité des grands textes de théâtre. Drôle et féroce, du rire aux larmes, de la farce à la tragédie, tout l'éventail des propositions dramatiques est ouvert au champ d'exploration du metteur en scène.
Au Théâtre du Nord-Ouest, Idriss a opté pour la comédie amère dont la focale est le regard désenchanté de Dandin. Sous le prisme du regard du "mari confondu", tout prend des allures d'un vilain rêve peuplé de pantins sans épaisseur représentés par leur habit. L'épouse (Anne Ségolène) est une perfide coquette, l'amant (Matthieu Davidson) un fat emperruqué, les beaux parents (Diane de Segonzac et Rémy Oppert), deux grossiers hobereaux de province confits dans la vénération de leur caste et le mépris atavique pour le Tiers Etat et les serviteurs (Aurélie Van Marsenille et Alexandre de Morant) de fieffés coquins.
Il n'en faudrait pas plus pour générer un délire paranoïaque mais, quand frappe les trois coups, Dandin, dont le nom évoque le dindon de la farce, a déjà pris la mesure de ses rêves brisés et de sa déconfiture. Ses premières paroles sonnent comme les répliques d'une tragédie.
Conscient d'avoir commis "la sottise la plus grande du monde", il ne s'en prend qu'à lui-même même si, dans un ultime sursaut de révolte, tel un rustre voir définition qui voudrait confondre le maquignon qui lui a vendu une rosse, il tente une dernière offensive pour faire reconnaître publiquement la duperie.
Excellent d’humanité et de mesure, Thierry Garet incarne avec justesse et talent un Dandin lucide et désespéré, beau joueur reconnaissant la défaite mais sans vouloir cependant perdre la face, et incontestablement rallie le public à sa cause. |