Le pari était loin d'être gagné lorsque, ici ou là, on commençait à annoncer le retour sur scène de My Bloody Valentine.
Sans s'être réellement franchement séparés, les quatre membres du groupe avaient néanmoins vaqué à leurs occupations respectives (et sans doute respectables) laissant sans suite un album qui aura marqué le petit monde du rock anglais au fer rouge sorti en 1992, Loveless. 16 ans pendant lesquels, à chaque rentrée musicale, chacun y allait de sa plume dans le petit monde des chroniqueurs rock que cette année, c'est sûr, le successeur de Loveless va sortir et ça va être énorme.
Seule l'attente fut énorme malheureusement et c'est avec une certaine lassitude et un évident désintérêt que l'on évoquait depuis quelques années maintenant ce groupe devenu mythique, symbole d'une génération, disparu au sommet de sa gloire sans tambour ni trompette, mais quand même avec un bon fond de caisse, si on en croit la somme annoncée comme avance pour faire cet album qui n'a jamais vu le jour.
Or, donc, vint le jour où on vit, sceptiques, fleurir les annonces, toutes plus officielles les unes que les autres, annonçant le retour du groupe... sur scène.
Pas d'album, pas de maison de disque, juste quatre personnes disposées à rejouer ensemble des titres dont le plus jeune a déjà, du haut de ses 16 ans, pas mal de poils au menton.
On ne s'étendra pas sur les raisons, commerciales voire alimentaires ou tout simplement guidées par la passion et l'envie de remettre les choses à leur place, peut-être "humblement" montrer qui est le patron dans ce monde changeant de la musique rock.
Seulement en 16 ans, des groupes et des courants musicaux, il nous en est passé par les oreilles et les groupes défilent aujourd'hui dans le cœur du public aussi vite qu'un maillot jaune dans la descente du mont Ventoux, c'est donc un pari plus audacieux qu'il n'en a l'air que de proposer un groupe qui n'a pour le moins jamais été taillé pour le grand public et dont le succès, tout groupe mythique qu'il ait pu être, semble finalement plutôt générationnel.
Alors on a tout de même un peu peur de trouver un Zénith désert, un public de quadragénaires nostalgiques venus applaudir coûte que coûte une infame bouillie sonore sans inspiration joué par un groupe de morts-vivants.
Pourtant, même si Le Volume Courbe ouvre la soirée devant une salle relativement déserte, on sent que le public est là et pas seulement composé de fans de la première heure. Première bonne surprise...
Surprise vite estompée par la prestation des sus-cités, Le Volume Courbe, pseudo shoegazer à peine sortis de l'adolescence, délivrant ça et là quelques notes de musique, chacune qui mise ensemble devrait théoriquement donner quelques ritournelles pop sans grandes prétentions.
Malencontreusement, les quatre membres du groupe semblaient ne pas s'être rendus compte qu'ils étaient ensemble sur scène, et donnaient franchement l'impression de faire chacun un truc différent dans son coin.
Ajoutons à cela un son assez faible, une voix inexistante qui devient fausse sitôt que sa propriétaire en fait un trop grand usage, un guitariste peu inspiré et une violoniste, flutiste peu charismatique bien que charmante et on obtient un concert peu convaincant laissant présager le pire à venir.
C'est donc un peu sous pression, à tel point que nous n'aurons même pas la force de nous rendre à un des quatre bars dont les mérites nous sont vantés sur un grand panneau lumineux, pour en boire une, de pression.
Et puis enfin, le noir et nos quatre idoles arrivent sur un scène, tranquilles, comme chez eux et tandis que des images multicolores commencent à être projetées sur un immense écran, les premières notent envahissement l'espace du Zénith finalement assez honnêtement rempli. C'est fort, c'est beau, c'est puissant et un peu émouvant.
On sait déjà au bout de quelques minutes que ce concert sera unique.
Plutôt décontractés, bien que peu communicatifs, les My Bloody Valentine donnent l'impression d'être chez eux.
La bassiste (Deb Googe) et le batteur (Colm O'Ciosoig) s'en donnent à cœur joie tandis que la toujours sexy guitariste (Bilinda Butcher) et Kevin Shields restent impassibles devant leur micro à torturer leur guitare et diverses pédales d'effets.
Le groupe jouera quasiment tout Loveless, "Loveless live in Paris" lancera, souriant, Kevin sous sa tignasse d'ado et ses joues un peu rondes.
La puissance espérée, sans y croire, est bien là, les mélodies magiques qui sortent des bidouilages sonores dont le groupe a le secret aussi et même si le son du Zénith n'est peut-être pas parfait, on retrouve sans peine les sensations découvertes 16 ans plus tôt à l'écoute du toujours inégalé Loveless.
Le final fantastique de 20 bonnes minutes hypersoniques sera le coup de grâce, le groupe offrant alternativement un déluge de décibels presque insupportable et des moments de calme, proche de la frustration que la transe sonore se soit interrompue, pour mieux repartir ensuite.
On dit souvent de ses fantasmes qu'il ne faut jamais les réaliser, pourtant celui-ci valait d'être vécu, et à revivre encore, dès que possible !
Il ne reste plus qu'à espérer, de nouveau, un nouvel album du groupe qui, s'il est à l'image des prestations scéniques, devrait marqué encore l'histoire de la pop pour les années à venir... si seulement cet album arrive un jour. |