Live Nation
ou comment mettre en cage Radiohead et son public.
Nous étions une petite dizaine de trentenaires bien excités à l’idée de découvrir sur scène le meilleur groupe de rock du monde, d’autant que la présence des 5 anglais se fait rare de par chez nous. Quelques prestations de-ci, de-là, entourées d’une aura contestataire et sources de nombreux bras de fer entre organisateurs. Live Nation, mastodonte américain de l’entertainment, avait remporté le morceau : "l’exclusivité" serait pour le Main Square Festival. L’effet ch’ti nous avait donc incité à choisir Arras plutôt que Nîmes et ses Arènes, à moins que ce ne soit la proximité de Paris. Nous voilà donc partis pour le nord en week-end avec en point d’orgue le concert de Radiohead. Certains d’entre nous avaient opté pour des RTT le lundi pour cause de concert programmé un dimanche soir ; qu’ils en profitent ! Bientôt même les cinq semaines de congés annuelles ne seront plus que le souvenir d’une époque révolue (Mitterrand nous avait accordé cette fameuse cinquième semaine au début de son règne).
Un festival au plateau si relevé (Sigur Rós, Radiohead, Justice, Chemical Brothers, The Do ... Mika) en plein coeur de ville. L’idée semblait bien alléchante. La grand place pavée d’une ville du nord et ses façades tout droit sorties de nos jeux d’enfants playmobil. La météo restait certes indécise mais ... l’alternative au festival de plein air excentré avait tout pour charmer ; quand bien même les couchés de soleil sont somptueux dans le fort de la Route du Rock, le théâtre de verdure du Garden Nef Party à Angoulême est immense ou que le Parc de St Cloud de Rock en Seine offre la possibilité de s’allonger dans l’herbe, sur un transat loin de la scène ...
Le bonheur du festivalier est fait de convivialité "renoirienne" , d’ivresse, de rencontres, de bpms. L’artiste sur scène n’emballe pas, va pour une tournée de bières le cul par terre à se raconter des trucs ; les toilettes sont un peu crades, le sourire d’une festivalière nous en détournent ; le groupe pour lequel l’on est venu arrive, un peu ivre, on fend la foule pour se rapprocher ...
Point de tout cela à Arras. Le sentiment plutôt d’avoir été les acteurs involontaires d’une foire aux bestiaux. Assumer le cachet pharaonique de Radiohead (500 000, 600 000 euros pouvaient-on lire dans la presse) obligerait l’organisation à vendre beaucoup, beaucoup de tickets au détriment des conditions d’accueil du public ?
Une poignée de cabines plastiques pour 25000 personnes au moins ; toilettes devant lesquelles s’organisent des queues interminables. Aller pisser se mérite !
La procession est la même pour se procurer nourriture (très bof) et boissons.
Au point que mon vieux copain marin, qu’il m’est difficile de taxer de danseuse quand il s’agit de lever le coude, n’osa pas boire une goutte du concert ! Pour la convivialité, on reviendra !!
Une foule si dense qu’il est quasi impossible de s’asseoir à même le pavé ; chaises et tables pour se restaurer étant bien sûr inenvisageables ! Malgré deux tentatives, il nous sera même impossible de nous rapprocher de la scène ... d’apercevoir les "idoles". Après plus de 4h debout et mal au dos de rigueur, petit de taille, je devrai me contenter d’un concert sur écran géant. La télé musicale en plein air, nouveau concept ? Les opérateurs téléphoniques doivent être sur les dents !
L’ambiance s’en ressent logiquement ; pas très friendly. Chacun semble camper sur ses précieux centimètres carrés prêt à en découdre. J’assiste même à la scène d’un père de famille défendant sa progéniture d’un festivalier trop pressé de s’offrir une mousse !
Le show Radiohead terminé à la minute près du timing annoncé aux journalistes, nous rentrons à pieds. Devant la gare aux portes closes (?), les plus chanceux, munis d’un duvet, s’endorment attendant le premier train. Pour les autres, la pluie commence à tomber.
Nous croisons alors une navette qui ramène les festivaliers au camping. Là où d’ordinaire chants, ivresse, rires et ultimes dragues rythment le retour, nous avons le sentiment de contempler un bus d’ouvriers, gris d’un réveil trop matinal, qui iraient trimer à l’usine !
Ultime détail, malgré notre pass froggy qui nous permis certes, de goûter au bar VIP ce breuvage tendance mais bien dégueulasse qu’est le "vodka burn" , 10 mn avant le concert de Radiohead, notre photographe se voit refuser l’accès pour shooter !
Chronique bien peu musicale. Il y eut certes des shows.
La chanteuse de The Do, pieds nus, vêtue d’une robe de créateur et son compagnon clone d’un Doherty tentent de remuer la foule, sans grand succès.
A suivre les islandais de Sigur Rós ; l’instant de grâce de la soirée. Véritable tribu d’indiens venus du grand nord, heureux de nous livrer leur pop planante, Cette musique "ethnique" sur laquelle vient se poser la voix de cétacé du chanteur sent le vent d’Islande, les grands espaces sauvages, le sable noir ... Leur show se terminera par une pluie de confettis sur montée de guitares vertigineuse.
Durant ce concert, deux remarques entendues ici et là m’ont frappé, je vous les livre : "on se croirait à l’Eurovision" ; "le flûtiot, ça nous manquait !" (au gré des morceaux, le groupe pléthorique s’adjoint des cordes, une fanfare de barbus tout de blanc vêtus, une flûte irlandaise !).
Pour clôturer le Main Square 2008, Radiohead et son show lumières titanesque (étrange pour des écolos autoproclamés). Le groupe joue au milieu d’une cage faite d’immenses néons verticaux tour à tour bleus, rouges ... véritable oeuvre d’art ; tandis que deux écrans géants disposés de chaque côté de cette scène gigantesque, installée pour la circonstance sur la place arrageoise, diffusent les images du concert.
Bien décevant de se voir, ainsi que Radiohead, mis en cage par Live nation. L’avenir des grands concerts d’été se dessine drôlement ...
Bah, l’on se consolera en regardant devant son poste (muni d’une télécommande pour le coup) le show planétaire des jeux olympiques ! |