Réalisé par George A. Romero. USA. 2008. Avec : Michelle Morgan, Shawn Roberts, Nick Alachiotis.
Petit rappel des bases : Georges Romero est l’auteur de la trilogie originelle et fondatrice des films de zombies avec La Nuit des Morts-Vivants; Zombie, et Le Jour des Morts-Vivants. Récemment se sont ajoutés Land of the Dead, et aujourd’hui Diary of the Dead, du même auteur.
Entre temps, il y a eu – entres autres – le remake de Zombie avec L’Armée des Morts, la série des Resident Evil, 28 Jours Plus Tard et sa suite, et même Will Smith s’y est mis avec Je Suis Une Légende (lui-même remake d’un autre film…).
Et le remake du Jour des Morts-Vivants est déjà tourné. Unanimement, Romero est reconnu comme le maître, si ce n’est le créateur du genre. Et il le mérite, les films originaux sont là pour le prouver.
La clef de voûte de son cinéma, c’est de se servir d’un phénomène irrationnel et inexpliqué, et d’en faire une métaphore des maux de notre société moderne. C’est cette intelligence, doublée d’un grand sens du divertissement, qui a créé sa réputation et donné de la force à sa trilogie.
Mais aujourd’hui, Romero réalise encore et toujours le même film, sans se renouveler. Le discours nous fait croire que la critique sous jacente évolue mais, au final, pour parler de la dérive de l’homme et de la société médiatique, Romero ne trouve jamais la conviction qu’il avait dans Zombie. Il en arrive même à s’auto plagier (le plan d’un zombie poussant un chariot de supermarché) sans ajouter aucune substance ni aucune idée nouvelle.
Certes, le film est bon techniquement, bien réalisé, avec un peu d’humour et d’autodérision pour les initiés, mais rien de neuf ni de captivant sous le soleil de Satan. Sur le fond et sur la forme, Romero est en retard sur son époque. Visuellement, beaucoup de choses ont changé dans le cinéma de genre avec des films comme la saga Jason Bourne et la renaissance vivace du gore. Aujourd’hui, le style caméra épaule est galvaudé, et Romero tombe dans ce piège car il use de ce stratagème soit beaucoup trop (caméras de surveillance) et perd en crédibilité, soit pas assez (un film comme Cloverfield va lui jusqu’au bout de son concept).
Sur le fond comme sur la forme, Romero se redit. A croire qu’il veut se convaincre lui-même qu’il est encore capable de faire un film de genre dans la vague actuelle. Le gâchis est vaste, car à la fin de la trilogie originelle, les humains prenaient conscience de l’intelligence des morts-vivants. A la fin du Jour des Morts-Vivants, alors qu’ils deviennent l’espèce dominante sur Terre, les zombies ont conscience de leur existence, se montrent capables de compréhension, de dialogue basique, et d’évolution (vers la non violence et le langage, le propre de l’homme).
Cette idée extraordinaire posait les Zombies en équivalent aux vampires et aux robots dans le cinéma de genre : à partir de quand est-on humain ou ne l’est-on plus, quels sont les critères de base de l’identité humaine, de l’âme ?
Or, cette idée qui aurait pu avoir des suites magistrales d’un point de vue cinématographique et philosophique, n’a jamais été reprise pour les films récents de Romero.
Ce qui est sûr, c’est que Land et Diary of the Dead ne sont pas des suites de la trilogie des morts vivants. Ils n’en poursuivent ni les idées, ni le style. Malgré cela, on peut voir dans ce film une évolution du discours de Romero : après avoir critiqué la société de consommation, il critique l’auto médiatisation permanente de l’homme par l’homme, en posant la question : pour qui ?
C’est là le point le plus intéressant du film : à qui s’adresse le film de ces vidéastes ? A qui s’adresse-t-on en postant sur You Tube ? A tous ou à personne ? A des gens comme nous ou d’autres presque comme nous ?
Le problème est que si on place Diary of the Dead dans le décor actuel des films de zombies, le film tient la route mais n’apporte rien de nouveau. Après L’Armée des Morts, tout a changé dans le genre. Zack Snyder, en faisant le remake de Zombie, de Romero justement, a relancé le genre ET réinitialisé les règles du jeu. Il y introduisait déjà la médiatisation de masse.
A ce titre, la véritable évolution pour Romero ne serait-elle pas d’accepter de faire courir ses morts-vivants ? Apparemment, il s’y refuse et le fait clairement dire à ses personnages dans le film. Il est donc conscient de l’évolution du genre et de ses codes. Ce qui le place dans un rôle de maître du genre qui vit sur ses acquis et ne renouvelle pas son discours, encore moins son œuvre.
Au-delà de la futilité de ce film et de la plupart des films de zombie, Diary of the Dead plait globalement au public. Romero reste donc un véritable artiste qui, sans toucher à l’essence de son œuvre, a réussi à traverser les époques et faire aimer des films difficiles au public. |