Associée avec l’Instituto de Mexico et l’Institut Cervantès à la manifestation hommage à Octavio Paz à l'occasion du dixième anniversaire de sa mort, le grand poète mexicain qui voyait en elle "une somnambule échappée d’un poème de Yeats", la Maison de l’Amérique Latine propose une exposition personnelle consacrée à Leonora Carrington, une des rares femmes qui officièrent notoirement dans le surréalisme.
Pour l'exposition parisienne, la commissaire Anne Husson, directrice culturelle de la Maison de l'Amérique Latine, a réuni sous le titre "Leonora Carrington - La mariée du vent" de nombreuses œuvres, peintures, dessins, lithographies, livres et sculptures, postérieures à 1940 et détenues par des collectionneurs privés. Une exposition qui emprunte son titre à une toile de Max Ernst, peinte bien avant sa rencontre avec Leonora Carrington, dans laquelle il considérait avoir tracé son portrait de manière visionnaire.
Cosmopolite, comme toutes les insulaires britanniques cultivées du début du 20ème siècle qui traversèrent la Manche, elle mena une vie mouvementée d'héroine de roman.
Du cercle surréaliste des années 30 à Paris, puis à New York, au gotha de l'intelligentsia au Mexique en passant par la péninsule ibérique, elle traverse le monde en y laissant son empreinte.
Au Mexique, terre d'exil, elle est proche de Octavio Paz, Frida Khalo, Carlos Fuentes, Luis Bunuel, Alexandro Jodorowsky et Remedios Varo Uranga, sa meilleure amie, également peintre, et sa siamoise artistique,
L'exposition dynamiquement scénographiée exploite judicieusement les petites salles en sous sol de la Maison de l’Amérique Latine, aux murs couleur du drapeau mexicain, qui se prêtent à la découverte, ou à l'exploration, d'une oeuvre sans doute méconnue, ou du moins éclipsée par les grandes figures masculines du surréalisme.
Une oeuvre qui conserve toute sa singularité et sa vivacité puisque que Leonora Carrignton, nonagénaire, est toujours en vie et en activité, activité tournée désormais vers la sculpture.
L'exposition commence par une galerie de portraits photographiques qui illustrent les différents âges de sa vie avec deux de ses récentes sculptures, "Fisher King" et "Mascara de la diosa emplumada".
"Le monde que je peins ? Je ne sais pas si je l’invente, je crois plutôt que c’est lui qui m’invente."
Entre figuration naïve, symbolisme et surréalisme, pour tenter d'appréhender "la mariée du vent", l’inspiration de Léonora Carrington se situe entre la suédoise Hilma af Klint et l’allemande Ulrica Zürn.
Comme Hilma af Klint, dont une sélection d’œuvres est présentée au Centre Culturel Suédois jusqu’au 27 juillet 2008 et dans l’exposition "Tracés du sacré" au Centre Pompidou qui reste à l’affiche jusqu’au 11 août 2008, par son addiction aux sciences occultés, elle est férue d'occultisme et pratique le syncrétisme des mythologies, des légendes celtes au précolombiennes.
Grande prêtresse d'une "sorcellerie onirique" comme l'écrivait Carlos Fuentes, elle relate d'étranges cérémonies ("The bird bath") et des rencontres surnaturelles ("3 Nornir white people", équivalent nordique des Weird Sisters, les déesses du destin).
Mais il s'agit chez elle moins d'être le peintre révélateur cosmique, comme pour Hilma af Klint, qu'une quête personnelle qui la rapproche d'Ulrica Zürn.
Ecrivain, dessinatrice, peintre, Ulrica Zürn, la compagne d'Hans Bellmer, est saisie d'une ineffable nostalgie du monde de l'enfance qu’elle dessine comme un pays des merveilles, peuplés de créatures fantastiques et de divinités hybrides humain-animal.
Leonora Carrington peint un monde enchanté, au sens premier du terme, et magique par lequel elle interroge le monde comme elle-même ("le moi profond où le loup et moi ne formons qu'un") et conclut :"Je suis un mystère pour les autres autant que pour moi-même". |