Pour cet été 2008, la Maison Européenne de la Photographie reçoit l'exposition "Annie Leibovitz, A photographer’s Life, 1990-2005" organisée par le Brooklyn Museum de New York sous le commissariat de Charlotta Kotik, qui prolongeait la parution, en 2006, de son autobiographie en images intitulée "A photographer’s Life".
Une exposition chrono-thématique qui entraîne le visiteur sur les pas de la vie d'une photographe qui dit ne pas faire de hiatus entre vie privée et vie professionnelle.
Le grand public connaît Annie Leibovitz, qui a débuté, quasiment en amateur, au magazine Rolling Stone dans les années 70, pour avoir eu l'incroyable chance de signer le must emblématique de la dernière photo de John Lennon, quelques heures avant sa mort, nu dans les bras de Yoko Ono.
Oeuvrant ensuite pour les magazines Vanity Fair et Vogue, elle est devenue la grande prêtresse du portrait des stars et des VIP et des campagnes de publicité des firmes du luxe qui ont fait le tour du monde et que tout à chacun connaît au moins visuellement.
"Je ne suis pas une grande portraitiste de studio. Au mieux, on pourrait dire que mes photographies sont graphiques."
Tout le monde a en mémoire les portraits des années 90 telles les photos choc de Whoopi Goldberg immergée dans un bain de lait ou Keith Haring transformé en bushman au corps recouvert de son graffiti se fondant dans un décor ad hoc, de Mick Jagger étendu sur des draps blancs ou, davantage encore, de Demi Moore enceinte, nue avec un diamant au doigt.
Photographies très graphiques, propres, nettes et sans bavures.
Sans bavures justement, de sphotos de magazine, et donc, dans une certaine mesure, sans histoire, sans profondeur, sans objet autre que d'être une image, de contribuer à l'iconographie du sujet.
En revanche, on découvrira sans doute les portraits, plus charnels.
Ceux des corps peints de Glenda Thornton, Karie Campbell et Rebecca Fenison, protagonistes du mouvement WORLD, qui rassemble des femmes séropositives oeuvrant dans le maintien des femmes malades dans la vie quotidienne, ou les étonnants noir et blanc de l'écrivain William Burroughs et du photographe Richard Avedon.
Les photographies des grands de ce monde, qu'il s'agisse de Georges W. Bush et son aéropage, les membres du très contreversé Bureau des plans spéciaux, ou de la Reine d'Angleterre "photomontée" sur un décor arboré sont toutefois édifiants par leur air d'inoffensifs officiels portraits de famille des débuts de la photographie.
"Je n’ai qu’une vie, et les photos personnelles comme celles de commande en font toutes partie"
Perdus au milieu de ces grands formats qui attirent l'œil, les photos "privées" d'Annie Leibovitz.
Petits formats en noir et blanc, elles forment un contraste saisissant.
Photos prises sur le vif, elles ne bénéficient, ou ne pâtissent, pas de l'armada technique dont s'entoure la photographe pour ses photos de commande. Presque des photos d'amateurs.
Pour celles-ci, elle saisit les moments de tendresse quotidienne, la très belle photo de ses parents endormis, d'amour maternel, les photos de ses filles, et d'amour, celui pour l'écrivain Susan Sontag dont elle partagea la vie. Là, l'émotion est au rendez-vous.
Pour une simple photo des collections de coquillages et de galets de Susan Sontag, le corps de Susan Sontag dans la baignoire.
Et le visage de Susan Sontag au sortir de la maladie, visage dépouillé, creusé des rides, cheveux courts et blancs qui ont remplacé l'opulente chevelure noire avec sa vraie mèche blanche.
Et là, manifestement, on se prend à imaginer les portraits qu'aurait pu faire Annie Leibovitz si elle n'avait pas été si célèbre. |