Toutes les bonnes choses ont une fin, dit-on. Histoire de se trouver une bonne raison à la fin de toutes ces choses agréables et forcément trop éphémères qui nous arrivent (trop rarement) dans la vie.
Les vacances ? Bah, c'est pas un souci, dans un an, tu en auras d'autres.
Les festivals d'été ? Bah, l'an prochain tu pourras ressortir ta tente pleine de boue pour refaire le tour de France des acouphènes.
La vie ? Bah... Oui, là, t'as intérêt à en profiter un max, pas sûr qu'il y ait un nouveau départ pour tout de suite !
Bref, tout cela pour dire que cette soirée du 16 août sera la dernière de l'année du festival Indétendances et il est tellement agréable, pendant un mois de découvrir des tas de groupes qui feront, espérons-le, la tendance de demain qu'il est toujours difficile de comprendre pourquoi cela s'arrête et ne perdure pas toute l'année durant. Les soirées parisiennes restant dans une démarche économique incompatible avec celle de la culture, mais c'est un autre débat qu'il serait bon de développer un jour prochain.
Dernier jour donc de ce festival en plein air, gratuit et intra muros proposé par la Fnac, comme quoi l'argent des multinationales peut encore être bien dépensé !
Et ce soir, la programmation ne fait pas dans la demie mesure puisque la tête d'affiche qui aura pour tâche de fermer ce festival ne sera rien d'autre que Keziah Jones. On fait plus indépendant comme artiste mais en tout cas, force est de reconnaitre que des artistes de renom font confiance à ce "petit" festival et prêtent volontiers leur nom pour attirer du monde qui, par la même occasion et c'est bien le but, viendra également découvrir de bien plus petits mais tout aussi intéressants groupes.
Ce soir, le public est plus nombreux que jamais, extrêmement dense, situé aussi bien devant la scène que derrière les barrières sur le boulevard. Les organisateurs annoncent une fréquentation de plus de 70 000 personnes pour l'ensemble des soirées, on veut bien les croire et cela prouve encore, et encore une fois je n'ai pas peur de le répéter que, dès lors que l'on propose des choses accessibles à un public pas forcément connaisseur en la matière, on peut susciter néanmoins un intérêt pour autre chose que des sottises télévisuelles.
Mais place à la musique avec, pour démarrer la soirée (il est seulement 17h ceci dit), un jeune français qui monte du nom de Spleen.
Accompagné d'un bassiste, d'un batteur et d'un guitariste, Spleen aura également comme compagnon de chant un jeune homme qui passera en fait le plus clair de son temps à faire des bruits de batteries à la bouche accompagnée de gestes adéquats de son bras libre (celui qui ne tient pas le micro bien entendu, il n'est pas manchot !).
Débordant d'énergie, Spleen est ce que l'on pourrait appeler une bête de scène. Il court, il saute dans le public, il fait monter des gens sur scène pour danser avec lui, il implique le public un maximum dans son show. Mais, au-delà de ce spectacle continu qu'offre ce beau gosse au torse nu et aux dreadlocks dressées sur sa tête, sa musique est au moins tout aussi intéressante que le personnage.
Mélange de funk, de jazz, de hip hop et de chanson française, Spleen manie aussi bien le rythme que les mots. Il saura tour à tour nous émouvoir sur des chansons françaises élégantes, nous faire danser sur des rythmes hip hop endiablés et même nous faire rire, entre deux morceaux où il saura toujours trouver le bon mot.
Entre l'exhubérance festive de Galliano (pas Eric), la diversité hip hop de Beat Assailant et une tendance aux belles mélodies folk, Spleen touche en plein coeur et le voir interpréter ses chansons rajoute à l'émotion et à l'envie de partager ces moments avec lui. Car c'est là que tout le charme de Spleen opère, dans le partage et la générosité.
Seulement 40 minutes de concert auront suffi à charmer le public, que l'on soit fan ou pas de ce genre musical (bien difficile à déterminer d'ailleurs tant il est fait de diverses influences). Un grand monsieur et un grand concert. A suivre de très près, son prochain album arrivant d'ailleurs bientôt dans les bacs ! (Le 28 octobre en concert à la Maroquinerie).
Comme tout festival qui se respecte, il faut bien au moins une annulation de dernière minute pour que le festival mérite son appellation de festival.
Cette fois ci, c'est Orange Blossom qui, pour des raisons de réorganisation interne du groupe (la chanteuse étant partie vers d'autres horizons) ne viendra finalement pas honorer ce festival de sa présence. Qu'à cela ne tienne, les organisateurs ont réussi à trouver un groupe de remplacement.
Et si on ne saura jamais quelle impression nous aurait fait Orange Blossom, on sait en revanche que Speed Caravan nous en a fait une très bonne.
Déjà repéré en solo en ouverture du concert parisien de Rodolphe Burger, Medhi Haddad nous avait impressionnés alors, arc bouté sur son oud rafistolé.
Ce soir, c'est en trio que Speed Caravan se présente, Medhi étant accompagné d'un bassiste et d'une jeune femme chargée de lancer des boucles de sons sur un ordinateur portable. Comme il nous le dira plus tard, pour cause de vacances, leur chanteur percussionniste n'a pas pu être présent ce soir.
Tout commence par un titre aux résonnances post rock, fait de boucle et de rythmiques entêtantes. Pourtant, Medhi annonce qu'il s'agit d'un morceau traditionnel du 14ème siècle... Comme quoi, la tradition a du bon.
Le groupe enchaine ensuite sur une série de titres instrumentaux faits de boites à rythmes et de quelques sons electro soutenant une ligne de basse lourde et omniprésente, jusqu'à devenir hypnotique tandis que Medhi s'en donne à coeur joie sur son instrument de plus en plus surprenant, surtout lorsqu'il joue avec ses pédales d'effets comme s'il s'agissait d'une "vulgaire" Stratocaster. Le résultat est très convainquant et les titres très entrainants ne tardent pas à capter l'attention du public qui ne manquera pas de taper dans les mains.
Il faut noter que le bassiste fut remarquable et son jeu extrêmement dynamique et créatif compte pour beaucoup dans l'ambiance sonore globale, bien plus que comme un simple accompagnement rythmique. D'ailleurs, une corde cassée nous privera d'une partie de la setlist, ce qui n'a pas empéché le groupe de nous servir un set largement rempli, preuve de leur maitrise assortie d'une superbe reprise de "Killing an arab" des Cure avec, pour le coup, la voix du chanteur "mise en boite", comme le disait Medhi.
Un beau moment de musique alliant le post rock, le rock, l'électro et la musique traditionnelle orientale et un groupe généreux qui, comme Spleen, aime à partager sa musique avec le public.
Le public est déjà chaud comme la braise après ces deux concerts diablement excitants et c'est donc devant un public à point que débarquent les quatre membres de Fancy sur scène.
Inutile de présenter longuement ce groupe de rock, de hard rock pourrait-on dire, parisien, qui mise beaucoup sur l'apparence et sur la voix du chanteur.
Ainsi, le batteur à des airs de faux gothiques tout droit sorti de Tokyo Hotel (avec 10 ans de plus), le guitariste vêtu de rouge et noir est impassible tandis que la bassiste, incroyable bête de scène, est ce soir dos nu et bras gainés de longues franges blanches, telle une indienne.
Jessie Chaton (ça ne s'invente pas), le chanteur est quant à lui... fidèle à lui-même, coupe afro incroyable, tenue moulante de cuir noire et blanche, chaine de vélo au bras et peinture "de guerre" sous les yeux, le tout surélevé d'un très beau boa de plumes blanches.
Après quelques roulements de hanches, les choses sérieuses commencent. Le rock des Fancy est à prendre autant au second degré que leur look, c'est parfois caricatural, souvent too much mais la voix suraigüe de Jessie ainsi que son jeu de scène ne vous laisseront pas de glace et si vous n'adhérez pas à leur musique, il y a fort à parier que vous passerez malgré tout un bon moment à le voir ainsi gesticuler sur scène.
Finalement, Fancy (ré)invente le rock burlesque, celui qui se regarde plus qu'il ne s'écoute et c'est bien comme ça. Les titres joués ce soir seront essentiellement issus de leur premier album Kings of the Worlds (dont acte) et qui semble connaitre, comme quelques autres groupes français, un petit succès au Japon. Grand bien leur fasse. Quoi qu'il en soit, ne vous privez pas d'une prestation live des Fancy, bonne humeur et décibels assurées !
Inutile de préciser que le public est fou de joie et s'agite avec plaisir et entrain pendant ce concert haut en couleur !
Voici donc enfin venu le moment tant attendu par les 8000 ou 10000 personnes présentes ce soir. L'arrivée sur scène de Keziah Jones, seul à la guitare sous son éternel couvre-chef (souvent différent d'un concert à l'autre d'ailleurs) est saluée par un tonnerre d'applaudissements !
Seul sur scène, dans une tenue élégante dont il a le secret, Keziah Jones est tout sourire, alternant les positions debout, avec un pied sur un tabouret pour soutenir sa guitare et assis sur un tabouret plus haut, il va distiller une heure durant un mélange de ses tubes passés et de quelques titres de son album à paraitre le 1er septembre, Nigerian Wood. La guitare toujours aussi incisive et la voix toujours aussi impériale, il mélange avec brio l'âme du blues et le groove de la soul.
Un beau garçon, un beau concert, un beau moment pour terminer ce festival même si Keziah Jones est désormais plus une star internationale qu'une découverte !
Toutes les bonnes choses ont une fin, et c'est sur cette prestation de Keziah Jones que nous nous séparons, avec un peu de tristesse de quitter toutes ces personnes qui ont fait que, cette année encore, des tas de gens ont pu découvrir des tas de groupes.
Sans vouloir faire une ode à la gloire de ce magasin de grande distribution, reconnaissons de bonne foi et une fois pour toute que l'initiative est belle. Pourvu que ca dure... donc.
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