Comédies
de Molière, mise en scène de Nathalie Hamel, avec
Christian Chauvaud, Hélène Robin, Marina Valleix,
Rodolphe Delalaine, Emmanuel Desgrées du Lou, Boris Berthelot,
Olivier Carette, Marie-Christine Glatard, Muriel Adam, Mathieu
Gorges, Esther Ségal, Julie Piednoir, et Jean-Luc Bouzid.
Dans le cadre de l'intégrale Molière du Théâtre du Nord-Ouest, Nathalie Hamel, comédienne et metteur en scène, a choisi de monter deux comédies écrites par Molière, à la demande de Louis XIV, pour les festivités du carnaval de 1670 qui composaient "Le divertissement royal".
Ces fantaisies ignorées du grand public, à défaut d'être représentées, le dernier à s'y être attelé étant la Comédie Française il y a plus d'un demi siècle, témoignent de la nature des pièces qui illustraient les célèbres fêtes de Versailles et divertissaient l'élite couronnée du royaume.
L'exécution de la comédie ballet, "Les
amants magnifiques", dont la très conventionnelle
intrigue romanesque était dictée par le roi -
deux prétendants princiers rivalisent de galanteries
et de fêtes pour séduire la fille d'une princesse
dont le coeur est épris d'un valeureux soldat roturier
- ressortissait à la troupe de Molière alors que
les divertissements, composant "La
pastorale comique", permettait au roi Soleil paré
de ses mille feux de se travestir en pâtre et en divinité
grecque pour lutiner avec ses favorites du moment déguisées
en bergères.
Comme conclut la princesse des amants magnifiques en épilogue
: "Couronnons par ce pompeux spectacle cette merveilleuse
journée", pompeux étant bien évidemment
à entendre au sens non péjoratif du 17ème
siècle, Molière n'était pas dupe du caractère
puéril, et kitschissime avant l'heure, du goût
royal.
Et, même sous le délire carnavalesque, il laisse poindre le transgressif dans cette bluette sentimentale en décochant, entre deux intermèdes spectaculaires, quelques traits, parfois appuyés, notamment sur les divertissements de cour, la crédulité des grands de ce monde ou le charlatanisme, ici représenté par un astrologue qui finira arroseur arrosé.
L'appétence de Nathalie Hamel pour les pièces en costumes et les textes du 17ème siècle pour lesquels elle sait user de la fraîcheur du regard et d'un grand souci de fidélité, trouve donc ici, un terrain de prédilection. Cela donne un très réjouissant et réussi spectacle dans lequel les deux comédies s'interpénètrent en contrepoint presque anachronique.
Elles se déroulent sous la houlette de l'auteur, maître
de cérémonie et deus ex machina, bouffon docte
et malin, l'excellent Christian Chauvaud,
qui guide le spectateur dans les méandres des coeurs
et des intrigues convenues, véritable colonne vertébrale
de ce spectacle.
Hélène Robin, parfaite, donne une belle couleur d'âme à la princesse soucieuse du bonheur de sa fille. Marina Valleix comédienne piquante et inspirée, constitue la belle révélation de ce spectacle. Remarquable, excellant à incarner ce mélange de jeune fille gâtée et presque insolente et de femme déjà investie des devoirs de son rang, elle laisse présumer de son potentiel à incarner autant les jeunes premières, les amoureuses que les coquettes et on se plait à l'imaginer dans les taffetas de Marivaux sans que pour autant les autres emplois ne lui paraissent fermés.
Rodolphe Delalaine, toujours dans
le ton juste pour incarner le valeureux amant, constitue le
quatrième élément de ce quatuor de beaux
caractères qui offrent de belles partitions aux comédiens.
Ils sont entourés de personnages que Molière a
caricaturé à plaisir, tels ceux du registre des
petits marquis ridicules, les prétendants pour lesquels
Emmanuel Desgrées du Lou et Boris Berthelot ne se privent pas de forcer le trait.
Les comédiens qui participent à l’amusante
pastorale, Marie-Christine Glatard, Muriel Adam, Mathieu Gorges,
irrésistible en roi d'opérette, Esther Ségal,
Julie Piednoir, Olivier
Carette et Jean-Luc Bouzid,
sont très drôles dans le rôle des comédiens
amateurs.
Avec des extraits de pièces de Lully, Nathalie Hamel
a réussi à ressusciter une fantaisie réjouissante
en spectacle divertissant et rondement mené auquel il
ne manque que les jardins, les grottes et les grandes eaux pour
plonger le spectateur dans les fastes du grand siècle.
Et même si l'on connaît l'économie de moyens
avec lesquels fonctionne le Théâtre du Nord-Ouest,
il suffit au spectateur de se laisser aller au plaisir enchanté. |