Monologue
dramatique adapté et mis en scène par Michel Abécassis
d'après les romans de Roddy Doyle, avec Olwen Fouéré.
En partenariat avec le Centre Culturel Irlandais, Michel
Abécassis, fondateur et directeur de Théâtre
de l'Eveil, qui s'attache notamment à un théâtre social
et politique traitant des difficultés de l'être, a adapté deux
romans d'un auteur irlandais, Roddy Doyle,
qui traitent du fait de société devenu une préoccupation de
santé publique qu'est la violence conjugale.
"Paula Spencer, la femme qui se
cognait dans les portes" aborde de manière humaine, intelligente
et essentielle, sans verser dans le reality show, le plaidoyer
ou le didactisme, toute la problématique de la maltraitance
des femmes, de l'acceptation des victimes au déni des tiers,
au travers non pas d'un cas, un cas parmi tant d'autres, mais
d'une vie.
Celle de Paula Spencer qui a vécu de longues années de sévices,
a sombré dans l'alcool, a négligé ses enfants, ce qui compte
cependant le plus pour elle, avant le sursaut ultime. Plus de
dix ans après, si le corps a tant bien que mal résisté, l'âme
est à jamais meurtrie et la vie volée pèse encore lourd sur
un avenir incertain. Mais l'étincelle est encore vivace et,
lucide, elle s'accroche encore à deux mains à cette "putain
de vie".
Dans une scénographie particulièrement réussie
de Jean-Guy Lecat reposant sur des
jeux de lumière qui sculptent la scène plongée
dans le noir, organisent les épisodes narratifs en élargissant
progressivement l'espace de jeu en corrélation avec l'autonomie
retrouvée de la conscience de soi et mettent en exergue
les phases de catharsis du personnage, la direction de Michel
Abécassis, ressortit de celle de "The Irish
whisperer" et canalise la fougue rageuse largement perceptible
d'une comédienne fascinante, exceptionnelle, tripale,
qui donne à ce personnage une présence, une corporéité
et une voix éblouissantes.
L'interprétation de Olwen Fouéré,
crinière blonce, morphologie nerveuse de chat, voix éraillée
à accent gaélique, relève de l'incarnation.
Paula Spencer est là, devant nous. Son cri d'animal blessé
d'abord, dans les ténèbres, celles du piège
victimaire dans lequel elle a sombré, puis son corps
et son regard.
Et là, de manière quasi instantanée, la
déflagration expressionniste. Olwen Fouéré
vampirise l'attention du spectateur, le prend par l'âme,
le coeur, les sens, et l'entraîne inéluctablement
dans la spirale de l'horreur. Le processus engagé est
dévastateur, entre fascination et stupeur. Et quand,
libérée, elle jette négligemment sur son
épaule le manteau de Paula Spencer qui part vers sa nouvelle
vie, le spectateur peine à quitter la salle. Le knock-out
est imparable. |