Mega Breakfast ou la trop rare opportunité de pouvoir découvrir un album en live. Première étape, le 13 septembre dernier au festival End Of The Road en Angleterre. Résumé de l’épisode précédent : Alan Sparhawk de Low vient de balancer, tel un missile, sa guitare dans la foule après l’avoir fait tournoyer au-dessus de sa tête. Miraculeusement, aucun blessé à recenser. Juste un type éberlué avec une guitare explosée sous le bras. Encore tout émoustillés, direction le Local, barnum où doit se produire The Chap.
Jouissant d’une notoriété grandissante sur le continent, The Chap peine encore séduire ses compatriotes. L’enjeu se voit renforcé par la parution récente d’un troisième album auquel la majorité du set sera dédié. En effet, tout juste identifie-t-on au passage un petit "I Am Oozing Emotion", extrait de Ham. Les pistes les plus dansantes découvertes sur leur précédent effort semblent constituer l’épine dorsale du nouveau matériel. En effet, les beats se font plus dansants, les constructions en apparence moins déstructurées, les structures plus dépouillées. Comme toujours, le show sera dévastateur, la mise en scène soignée – mention particulière à la temporaire remplaçante de Claire – : sorte de dancefloor arty… les pieds dans la boue. Preuve ultime : le franc succès rencontré en ces terres.
Chose rare lorsque Mega Breakfast atterrit sur la platine : une grande partie des titres sont déjà familiers. Reste, néanmoins, à apprécier la cohérence de l’ensemble et découvrir les briques manquant à l’édifice. La première écoute conforte les impressions du concert : via Mega Breakfast, The Chap invite l’auditeur à une grandiose surprise party organisée chez eux. A moins qu’il ne s’agisse d’un after post surprise party. Au programme electro-pop dandy, riffs rock mâtinée de beats, no wave, funk technoïde…
Bien que Mega Breakfast constitue leur opus le plus dansable et electro, l’auditeur avisé y retrouvera rapidement ses petits – les expérimentations en moins –. Dans ces constructions plus dingues qu’il n’y paraît, ces breaks impromptus, ces harmonies funky totalement décalées. Dans cette approche décadente, bourgeoise, intellectuelle, vaguement dada même. Totalement no wave en fait.
Au rang des tubes, à ranger en priorité "Fun And Interesting" et "Proper Rock". A celui des bizarreries : "Ethnic Instrument", "They Have A Name". Sans oublier trois titres nécessitant à eux seuls l’acquisition de ladite galette : "Caution Me", la démentielle "Carlos Walter Wendy Stanley" et la très Velvet/Talking Heads "I Saw Them" en clôture. Aucun doute possible, avec Mega Breakfast, The Chap vient de sortir un disque démentiel et profondément irrésistible. Le plus abouti et également le plus facile d’accès à ce jour de leur discographie.
Dernière étape le 10 octobre, dans le pire endroit de l’univers : le Showcase, club situé sous le pont Alexandre III. L’émerveillement est sans bornes pour le néophyte. Ces jeunes fils à la dent resplendissante arborant polo tout juste entrouvert et mèche impeccablement repassée. Ces créatures de rêve alliant subtilement discrétion, bon goût vestimentaire et fulgurances intellectuelles. Cette armée de serveurs arpentant l’endroit en se congratulant à qui mieux mieux. Ces boules à facettes à vous filer la gerbe en moins deux. Cette propreté relevant plus de la pathologie profonde que de l’efficacité révolutionnaire d’un Ajax spécial sol. De quoi donner des envies de viser à côté de la cuvette des toilettes.
Mais qu’importe : THE CHAP JOUE CE SOIR EN LIVE !!! Encore brassés par les assauts terrifiants de médiocrité de The Dudes, c’est avec soulagement que l’on voit les quatre londoniens faire leur apparition. Plus encore qu’en Angleterre le mois précédent, les nouveaux titres glissent tel un vin liquoreux dans un œsophage sec. "I Am Oozing Emotion", "Carlos Walter Wendy Stanley", "Fun And Interesting" font un tabac. En parallèle, on se délecte toujours autant des trouvailles scéniques récentes : les jeux de panneaux sur "Fun And Interesting", l’improbable t-shirt de Keith, les chorégraphies collectives… Les gens dansent à s’épuiser : la soirée décolle au-delà des espérances. Il faut finalement se rendre à l’évidence : programmer The Chap dans un tel endroit relevait du génie pur ! |