Lou Reed et les Velvet Underground occupent les plus hauts lieux dans la galerie de mes héros musicaux. En effet, de même que David Bowie, les Rolling Stones, Led Zeppelin et AC/DC, je dois les remercier (ou regretter) les bases de ce qui est devenu, après la puberté, ma sensibilité musicale.
Berlin, troisième album en solo de Lou Reed après l'épopée d'avant-gardisme expérimental qui a marqué la courte existence des Velvet Underground, est son oeuvre mal-aimée, constamment bannie de ses antologies, concerts et playlists des radios durant les 30 dernières années. Et pourquoi ? Serait-il mal ou peu élaboré ?
Bien au contraire ! Berlin est, pour beaucoup d'admirateurs de Lou Reed, son chef d'oeuvre, celui où ses dons d'auteur et de compositeur se sont conjugués pour donner le jour à un des premiers et meilleurs albums conceptuels de l'histoire du rock.
Dans ce cas, pourquoi fut-il systématiquement renié ?
Parce que Berlin raconte une histoire très dure.
Pour moi, qui ai découvert l'album à 16 ans, après avoir lu Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée, ces deux oeuvres se sont imposées comme un tremblement de terre dans mon existence de jeune petit bourgeois et ont brisé en deux coups toute l'innocence de mon adolescence. Dans Berlin, Lou Reed raconte l'histoire d'un jeune couple qui, dans la ville encerclée par le mur de la honte, plonge dans la spirale des drogues, du sexe, des trahisons et de la violence, dont l'unique issue est la mort. Les paroles des chansons sont, pour l'auditeur attentif, d'une brutalité crue, voire angoissante et au niveau de la musique, des moments de grande intensité instrumentale alternent avec d'autres d'une douceur céleste : autrement dit, ce n'est pas le disque idéal à écouter en prenant un verre avec des amis.
Mais revenons à la présente édition de Berlin - Live at St. Ann's Wharehouse. Il s'agit du registre des meilleurs moments de 5 concerts qui ont eu lieu en décembre 2006 et qui ont marqué les premières représentations live de l'album Berlin depuis son lancement en 1973. L'ordre des musiques respecte complètement celui de l'album original, dont la majorité des effets spéciaux et orchestraux sont également conservés, ayant été conviés pour l'occasion un choeur et un orchestre de sept musiciens. Cette édition inclut trois rappels qui n'appartiennent pas à l'album original de Berlin ("Candy Says", "Rock Minuet" et "Sweet Jane") et sert de base au film homonyme réalisé par Julian Schnabel. Lou Reed se montre en grande forme et "Candy Says", chanté en duo avec Antony, des Antony and The Johnsons, est un des moments les plus intenses du disque.
En résumé, Berlin est un disque indispensable pour les fans de Lou Reed, mais sans grand intérêt pour tous les autres. Je m'inclus orgueilleusement dans le premier groupe. |