Maintenant
on va au Monop'. Avant, et jusqu'en 1997, on allait au Prisu.
Prisu abréviation pour Prisunic, une chaîne de
magasins populaires lancée dans les années 30
par les Magasins du Printemps et aujourd'hui disparue.
En mai 1968 - Dieu qu'il s'est passé de choses en cette
année là ! - sous l'égide de son bureau
de style dirigé par Denise Fayolle, et auquel ont appartenu
pas moins que l'architecte d'intérieur Andrée
Putman, les photographe Guy Bourdin et Peter Knapp et les graphistes
Folon et Roman Cielewicz, Prisunic lance, comme un pavé
dans une vitrine, son premier catalogue de vente de mobilier
par correspondance avec un slogan choc : "Le beau au prix
du laid".
Objectif : mettre le design la portée de tous en proposant
une ligne de mobilier contemporain économique et pratique
conçue en matériaux synthétiques et aux
couleurs pop pétaradantes correspondant aux codes graphiques
de l'art contemporain de l'époque selon la trinité
dégagée par son directeur Jacques Gueden : prix,
qualité et esthétique.
"Ma maison Prisunic" entièrement meublée
de créations de jeunes designers dont le nom et le talent
ne sont pas restés inconnus, devient une référence
en matière de design d’intérieur des années
soixante. L'aventure durera neuf ans.
1968-2008 : à l'occasion du quarantième anniversaire
dudit catalogue, le Via, plate-forme
d’expression de la création dans le secteur de
l’habitat et du cadre de vie, associé au salon
Maison et Objets, propose un regard rétrospectif sur
cette avatar français de Habitat et Ikéa.
Scénographiée par Yves Gradelet,
qui a sérigraphié logos et images publicitaires
en cimaises volantes, conçue sous le commissariat conjoint
de Francis Bruguière, fondateur
du catalogue de mobilier et de ses adjoints de l'époque,
Yves Cambier et Michel
Cultru, l'exposition "Prisunic
& le design - Une aventure unique", présente
un intérieur complet de la cuisine au jardin.
Et surprise, la maison Prisunic est une maison foncièrement
pop, qui allie formes géométriques simples, la
droite des caissons et la courbe des sièges, cocooning
avant l'heure.
Elle se revêt de couleurs pétaradantes, pour chasser
les idées noires et peindre le quotidien aussi bien aux
couleurs chaudes et primaires qu'au blanc futuriste, comme pour
le canapé de Jean-Pierre Garrault.
Aux
manettes, de jeunes créateurs, qui constituent aujourd'hui
la fine fleur du design, avec pour antienne la création
de meubles modulables et démontables permettant d'allier
une activité ludique au côté très
pratique et prosaïque de l'ameublement.
Et l'affiche est éloquente : l'ensemble de bureau tube
de Michel Hamon, la cuisine de Terence
Conran, le salon de Marc Vaidis,
les chauffeuses de Danielle Quarante
et le lit modulable de Marc Held et
le salon de jardin de Gae Aulenti.
De quoi inciter le visiteur à investir le grenier familial
à la recherche de trésors cachés.
Cette exposition qui braque le projecteur sur l'émergence
historique du design industriel appelle l'attention sur l'importance
du rôle de la grande distribution dans la diffusion de
la jeune création.
Par ailleurs, elle permet aussi de s'interroger sur le devenir
de la démocratisation du design qui présida à
la naissance de cette aventure à une époque où
le design entre au musée et intègre le marché
de l'art.
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