Je me rappelle de cette soirée comme si c’était hier. Elle date pourtant de novembre 2002. Le 15 précisément. Plus guère de preuves concrètes. Juste ce ticket de concert avec inscrit dessus : "Joseph Arthur au Bataclan". Mais une avalanche de souvenirs. Cette sinistre première partie tout d’abord : Johnny Society, sorte de sous-Lynyrd Skynyrd des temps modernes. Je distingue encore avec précision la barbe blonde du chanteur.
A cet instant, nous ignorions encore que Joseph Arthur ne se produirait pas en solo comme au printemps précédent. Que pire encore, ces infâmes Johnny Society allaient se muer en backing band du sieur. Pour la première fois, nous nous apprêtions à sortir déçus d’un set de Joseph Arthur. Une vraie révolution. Pour la première fois, Joseph Arthur allait préférer aux divagations sonores et improvisations sans limite un set carré, sans trop de débordements ni d’audaces.
Puis la soirée avait dérivé vers un troquet miteux du côté d’Oberkampf. Non de Voltaire. Je ne me souviens plus mais qu’importe. La bière y était bon marché. Nous roulions cigarette sur cigarette. Dans un coin, deux types jouaient de l’oud. Peu avant la fermeture de l’endroit nous avions sympathisé avec l’ensemble des occupants de l’endroit. Une soirée aussi simple que parfaite.
Mais auparavant, nous n’avions cessé d’évoquer cette prestation de Joseph Arthur. De ressasser encore et encore notre malaise. De se rejouer en boucle le film du concert. Dans tous les sens possibles et imaginables. Pour essayer de comprendre. En vain. Le plus perturbant restait ce sentiment d’avoir assisté à une excellente prestation mais de ne pas avoir su l’apprécier. Car l’ayant vu au travers d’un filtre. Le filtre du Joseph Arthur solo, l’as du sampling. Peut-être était-ce simplement de la déception ? Sans remise en cause du talent du bonhomme.
En effet, il y a fort à parier que si cette soirée avait été la première, le show nous aurait ébloui. Autant que je me souvienne, Xavier ne l’avait jamais vu. Mais pour Loopkin et moi, c’était une autre histoire. Nous avions été de la tournée Come To Where I’m From en 2000 mais surtout de celle du premier semestre 2002 qui restera définitivement comme l’année Joseph Arthur, celle de son l’apogée. New Morning, Maroquinerie, Clermont-Ferrand, Benicassim, Redemption’s Son… Ces noms comme des jalons de cette saison bénie.
Six ans après ce tournant décisif, Joseph Arthur sort encore des disques. Son dernier né, Temporary People, est d’ailleurs disponible dans les bacs depuis septembre. Et pas au rayon import cette fois-ci ! A peine posé sur la platine, les images de cette soirée de novembre 2002 rejaillissent. Et persistent. Sans se dissiper. La musique s’y avère d’un classicisme désespérant : genre Faces-Stones 70’s idéal pour tailler la route au son de RTL 2. D’autant plus incompréhensible de la part d’un des musiciens les plus créatifs de son époque, électron libre ayant révolutionné la prestation scénique solo.
Quelques fulgurances et de beaux restes en terme de composition sauvent le disque, mais que ce Temporary People demeure frustrant pour l’adepte du Joseph Arthur première période. Une trajectoire somme toute rigoureusement identique à celle de Ryan Adams… Néanmoins, pour son apport à l’histoire de la musique, il convient de célébrer encore JOSEPH ARTHUR ! Difficile d’en dire autant de Ryan… |