Dernière soirée des Inrocks à la Cigale. L’affiche est particulièrement cohérente ce soir. De l’électro-rock, voire de l’électro tout court. D’ailleurs, le public est bien différent des soirs précédents.
Oubliée la foule rock indé, ce soir c’est Showcase aux Inrocks. Minettes et minots ultra-sapés, ultra-faux-nerd-lunettés, ultra-ultra en somme. Le champagne a d’ailleurs pris la place de l’habituelle bière dans de nombreuses mains. Pour vous dire, Pedro Winter est également de la fête. Bah ouais, ce soir on est pas là pour rigoler.
A 18h, Cut Copy démarre la soirée. Les garçons de Melbourne font déjà se remuer une foule encore peu compacte.
Il faut dire que les australiens sont plutôt habitués aux grandes messes dans leur pays. Qu’importe, leurs boucles électroniques mélangées au chant pop ont l’air d’en ravir plus d’un.
Leur new-wave de boite de night, ne me séduit pas vraiment, mais autour les garçons et les filles, bien plus au courant que moi, adhèrent en gesticulant.
Les titres sont plutôt répétitifs et même si la foule n’a pas l’air d’être lassée, je suis plutôt soulagée que leur set prenne fin.
Et voilà le phénomène Kennedy. Par chance, on m’avait prévu de ce qui allait nous arriver à tous ce soir. Comme prévu, l’artiste ne va pas faire l’unanimité… enfin si, mais contre lui. Et c’est peu dire.
Accompagné de trois choristes habillées comme des sacs (ce qui dénote tout particulièrement ce soir) ainsi que d’une batteuse/camionneuse, le personnage aux faux airs d’Owen Wilson, se pointe, convaincu, dans sa chemise en satin et son pantalon moulant à paillettes. Les regards et les bouches se suspendent. Une banderole tenue par deux donzelles sur laquelle est écrit "cassoulet" se lève. Comprenne qui pourra. Le (muppets) show peut commencer.
La première gêne, après celle de la vulgarité vestimentaire, est que toute la musique du jeune homme se trouve dans son i-pod. Point d’instrument sur scène donc, à part effectivement la batterie. Et voilà notre asticot qui se met à gesticuler tout ce qu’il peut sur des airs électro-disco-glam… un mélange qui devient vite indigeste pour toute la salle. Après quelques descentes dans la fosse pour tenter de chauffer un public abasourdi, efforts vains, les sifflets et les "bou" se font entendre de manière on ne peut plus franche.
Le set s’écourte après une reprise de Madonna, "Holidays", tout à fait pathétique. Le blondinet à lunettes disparaît finalement dans la foule laissant ces trois choristes comme trois dindes sans Noël… jusqu’à ce que le rideau se referme sur elles. Gênant.
Sans transition. Late Of The Pier. Après la performance abrutissante que la Cigale vient de vivre, les LOTP sont accueillis comme de véritables sauveurs. Et effectivement, ils sont à la hauteur de toutes nos attentes. Une énergie et une véritable intelligence d’écriture qui n’est pas sans rappeler celles des Klaxons (mais si, souvenez-vous, l’année dernière, oui c’était il y a longtemps déjà…).
Chacun des quatre musiciens sur scène joue de façon tout à fait remarquable, les gouttelettes de sueur se mettent très vite à perler sur leur visage juvénile.
Difficile de définir leur son précisément, chaque titre ayant une réelle personnalité musicale. Alors évidemment avec tous ces samples et parties de synthé, on serait bien tenté de les classer électro-rock pour ne pas trop s’emmerder, mais c’est bien plus compliqué et intéressant que ça.
La guitare va sans honte toucher aux riffs heavy-metal, le chant nous transporte dans l’univers glam d’un Eno d’antan et l’ensemble est vénère comme du bon punk… un régal absolu. La foule se démonte sur le single "Heartbeat", à juste titre. On aurait voulu les avoir en tête d’affiche ce soir pour un set encore plus long… dans la mesure du possible, car les anglais n’ont qu’un unique album à leur actif.
S’en suit Metronomy. Ce nom circule dans le milieu hype depuis un bail déjà. Joseph Mount, à l’origine du projet, étant un remixer de tous bords, connu et reconnu.
C’est avec une certaine curiosité que je le découvre sous la forme d’un trio. Les garçons se sont labellisés électro-pop, mais en fait de la pop, il en est très peu question.
Très honnêtement, c’est rapidement une douleur pour mes oreilles, mais visiblement un bonheur pour tous les autres conduits auditifs. Je me console en observant un jeu de scène chorégraphié et des t-shirts à boule lumineuse qui donneront à coup sûr des clichés tout à fait esthétiques.
Les compositions me paraissent plutôt naïves, peut-être à cause de certains samples qui sonnent très Bontempi. Globalement, le tout est très eighties mais bon, le retour à cette décennie qui a accouché de tellement de productions discutables, a l’air d’être la principale source d’inspiration du moment.
Quoique j’en pense, la fosse de la Cigale s’est transformée en véritable dancefloor et la blondinette qui me bouscule connaît toutes les (peu de) paroles par cœur.
Pas d’intermède ce soir, juste de la musique d’attente à faire hurler un chien à la mort. On ne nous a pas donné le choix entre Europe "Final Countdown" et un best-of du Macumba.
Heureusement, les headliners, Hot Chip rentrent en scène. L’attirail de matos est impressionnant, la scène de la Cigale a presque disparu. Tous les instruments paraissent être présents, des synthés, des percussions, des guitares, une batterie… Les cinq anglais ont la réputation d’assurer sévère sur scène, alors l’impatience est de mise.
Et effectivement, sans avoir besoin de se rouler par terre, ni de se jeter comme un sauvage dans la fosse, le quintet met le feu à la Cigale. Et plus impressionnant (et rare ce soir), tous les sons produits le sont vraiment ! D’autant que des couches de sons, il y en a un paquet, et vérification faite, il dispose bien de seulement deux bras réglementaires chacun.
C’est vrai que ces types sont incroyables. Ils arrivent à apporter une sorte d’humanité à un style synthétique qui en manque souvent. Pas étonnant que les Hot Chip soient une référence pour une bonne partie des groupes du festival. La foule réagit de manière complètement dingue à la totalité de leurs titres électro-pop.
Boulimique d’Hot Chip, elle ne s’arrêtera de danser qu’à la dernière note jouée par les anglais, complètement trempée. Et quelle meilleure marque de succès pour un groupe (et pour les programmateurs du festival) que de voir son public évacuer la salle le sourire aux lèvres et la mèche détrempée de sueur ?
C’est ainsi que se termine pour moi l’aventure Inrocks version 2008, les yeux et les oreilles parfaitement rassasiés. Chacune des cinq soirées aura bénéficié d’une réelle personnalité musicale, une vraie richesse pour qui s’intéresse avec cœur à la musique. |