Réalisé par Steven Sebring. USA. 2008. Avec : Patti Smith, Jay Dee Daugherty et Flea.
Est-ce que Patti Smith n’était pas en train de disparaître à force de sacralisation…Une exposition à la Fondation Cartier présentait un intérieur et des objets comme des reliques d’une artiste défunte, d’une poétesse perdue loin de toute humanité. Et elle-même qui se produisait dans les centres d’Art ou les églises récitant, psalmodiant des poésies accompagnée à la guitare. Je ne sais pas pourquoi, mais je trouvais très peu d’intérêt à tout ça.
Seulement Patti Smith reste un mystère, une figure intrigante : cette pochette de Horses, son premier album sorti en 1975, produit par John Cale, la photo de Robert Mappelthorpe dessine à tout jamais cette silhouette, si féminine mais s’aventurant sur les territoires des mâles avec un naturel plein d’assurance : déjà ce visage de chef indien, à qui aujourd’hui elle ressemble de plus en plus. Alors égérie placide ou authentique créatrice…
Quoi de mieux que de composer un documentaire pour redonner chair et vie à cette sylphide qui parcourt, chaussée de godillots, l’histoire contemporaine des Etats-Unis. Onze années de fréquentation, d’amitié, de partage ont été nécessaires au photographe / réalisateur Steven Sebring pour engranger la matière de son documentaire.
Patti Smith accueille la caméra au cours de ses tournées à travers le monde, sur les traces de son enfance et les lieux de pèlerinage où elle rend hommage aux poètes : Blake, Shelley, Rimbaud. Mais ce qui est le plus bouleversant, c’est le témoignage de cette femme née en 1946 qui se confie sur la disparition de ses êtres chers : Burroughs, Ginsberg, Mappelthorpe, son frère, son mari Fred "Sonic" Smith, l’écouter considérer la vie comme une célébration quotidienne malgré le chagrin, malgré les larmes et se battre pour cet idéal : la paix et le bonheur de tous. Jamais le moindre apitoiement mais la nécessité constante d’avancer et de lutter avec toute sa sincérité.
Comment dire à quel point ce documentaire est une alchimie parfaite ? Steven Sebring a réussi un véritable travail d’artiste : les images sont d’une poésie touchante, la musique invite au rêve, les chansons également sous-titrées permettant de prendre la mesure de la force subversive des textes de Patti Smith. Et dans son abondante collection de films et d’images, il a su garder les silences qui sont comme des prières, où elle est juste présente, l’esprit envolé.
Patti Smith qui alterne avec une grande capacité de concentration qui permet la création et une grande générosité sur scène. Et sans faire la leçon, elle semble nous montrer la voie d’une vie qui ressemble à un rêve, où les époques se confondent, où l’amour a vaincu la mort et les combats pour la paix et le respect sans cesse à recommencer. Et le rock comme une des expressions de sa foi en l’homme.
Comment s’étonner alors que Dream of Life ait quelques accents de Stranger than Paradise de Jim Jarmush ? Je me prends à redouter qu’on mette en route quelque biopic sur Patti Smith tant le DVD Dream of Life a donné plus à voir qu’une biographie, Steven Sebring y a filmé l’élan vital d’une artiste exceptionnelle. |