Opéra
de Christoph Willibald Gluck, mise en scène de Alexandra
Lacroix, avec Jean-Gabriel Saint-Martin, Tania Chauche (ou Julie
Fuchs), Amélie Kuhn, Emmanuel Pousse (ou Xavier de Lignerolles),
Henri de Vasselot (ou Romain Beytout), Virginie Thomas, Cécil
Gallois et Eugénie Galezowski (ou Claire Parzysz) au
piano.
La jeune compagnie lyrique au judicieux nom à double
sens, la Compagnie Manque Pas d’airs,
a retenue une idée bienvenue qui est de sortir l’opéra
des lieux séculaires, dans lesquels il est encore aujourd’hui
cantonné, ce qui constitue une double gageure.
En premier lieu, bien sûr, celle de démocratiser,
au sens noble du terme, un registre très souvent considéré
élitiste et, ensuite, apporter une nouvelle vision du
répertoire classique, sans verser dans l'entreprise de
modernisation systématique d'œuvres qui ne sont
pas, intrinsèquement, aussi poussiéreuses qu'on
pourrait le croire.
Aussi, son premier opus, "Orphée
et Eurydice" de Gluck,
traitant de la légende mythologique qui traite notamment
du mythe de l'amour conjugal qui défie les lois des dieux
et de la mort, actuellement à l’affiche au Théâtre
Mouffetard en constitue-t-elle une belle illustration.
Cet "Orphée et Eurydice" dont l'un des airs
principaux, le lamento d’Orphée "J’ai
perdu mon Euridyce", résonne dans l’oreille
de l’inconscient collectif, qui date quand même
du 18ème siècle, s'avère d'une grande modernité
pour ceux qui ne sont ni des férus ni des exégètes
de l’opéra classique.
Modernité qui inspire Alexandra Lacroix
pour une mise en scène aux consonances maniéristes
et aux références patentes avec l’esthétique
de l’Ecole de Paris et le nabisme, qui évoque le
style des grandes compositions picturales de Maurice Denis et
particulièrement judicieuse par sa résonance avec
l'orphisme, truffée d'inventions scénographiques
à partir, notamment, des traditionnels panneaux en colonne.
Sous l'auspice de l'Amour, Amélie
Kuhn à la partition enlevée, Jean-Gabriel
Saint-Martin, au physique de jeune premier romantique
et à la voix claire, incarne un Orphée éploré
sans mièvrerie et Tania Chauche,
visage à la Ingres et au timbre expressif, une délicieuse
Eurydice.
Ils sont accompagnés par un quatuor harmonieux, composé
de Virginie Thomas, Emmanuel
Pousse, Henri de Vasselot et
Cécil Gallois, choeur qui incarne
tour à tous les invités languissants, les furies
et les âmes vertueuses des Champs Elysées dans
des tableaux à la plastique symboliste affirmée.
Bien évidemment, le spectacle ne dispose pas des moyens
financiers d’une superproduction subventionnée,
ni d’une scène rivalisant avec celle de l’Opéra
Bastille ou d'un orchestre symphonique.
Mais la direction musicale de Benjamin Fau
et le piano véloce et sensible de Eugénie
Galezowski font mouche et la compagnie réussit
tout à fait à subjuguer et à enthousiasmer
les spectateurs par son engagement et ses jeunes talents ce
qui lui laisse augurer un bel avenir si le public néophyte
lui emboîte le pas. Donc hauts les cœurs ! |