Comédie
de Molière, mise en scène de Anne Coutureau, avec
Xavier Clion, Sophie de Fürst, Estelle Grynszpan, Jean-Luc
Jeener, Yves Jouffroy, Hervé Jouval et David Mallet.
Dans le cadre du cycle Molière du Théâtre
du Nord-Ouest, la proposition de Anne Coutureau qui a monté
et mis en scène "L’école des femmes"
est parfaitement claire.
Si elle ne nie pas le comique voulu par l'auteur pour cette
tragi-comédie construite sur un scénario de farce
ni la comédie d'intrigue entre les deux jeunes gens,
qui insèrent des bouffées de décompression
au texte, elle en donne une lecture politique, révélatrice
de la condition humaine dans ce qu'elle a d'universel et d'intemporel
à travers les deux personnages principaux et antinomiques.
D'une part, le personnage archétypal d'Arnolphe dont
la stature ne le limite pas au rôle réducteur du
dindon d'une farce domestique dans un canevas de commedia dell'arte.
Prenant la dimension de l'homme dans sa globalité, elle
révèle, derrière le personnage ridicule
et pathétique et le monomaniaque psychorigide, la figure
universelle et intemporelle de l'intégriste.
Parangon du conservatisme moral et laudateur d'un stoïcisme
qui s'accommode bien de la concupiscence en privé, ce
barbon procède à une véritable séquestration
d'une enfant afin d'en faire une épouse idéale,
en la maintenant dans un état d'isolement moral et d'ignorance
intellectuelle absolus assuré par un couple de domestiques
cerbères saisis dans leur stupeur cérébrale
et leur bêtise mercantile (Estelle
Grynszpan et David Mallet excellents).
Ce qui n'est pas sans rappeler des expérimentations
ressortissant aux crimes contre l'humanité et des pratiques
sociétales contemporaines, certes plus insidieuses, mais
tout aussi condamnables. Ainsi la scène des maximes du
mariage qui pourrait être traitée de manière
caricaturale et drôle, s'avère en l'occurrence
d'une violence extrême révélatrice de l'extrémisme
dont Arnolphe est capable.
A l'opposé, sa victime, qui, ici, n'est pas atteinte
du syndrome de Stockholm, représente, selon une vision
pré-rousseauiste, la potentialité positive de
l'homme dont l'âme peut être transcendée
par l'amour même si, comme en l'espèce, il prend
la forme d'un blondin séduisant mais sans grande consistance,
efficacement campé par Xavier Clion,
face à la force de caractère de la jeune fille.
Dans la mise en scène très tenue de Anne Coutureau,
Jean-Luc Jeener est un Arnolphe époustouflant
qui jongle avec les différents visages du personnage,
du grotesque au poignant en passant par le monstrueux pour construire
un être dans sa complexité, dans ses contradictions,
ses faiblesses et ses errements, finalement dans son humanité.
Sophie de Fürst, jeune première
évidente au physique gracile et au visage de poupée
de porcelaine, donne une très belle incarnation d'Agnès,
rôle superbe mais délicat et difficultueux illustrant
comment l'esprit vient aux filles, en conférant crédibilité
et cohérence à un caractère que l'émoi
amoureux transforme radicalement et quasi instantanément
de l'ingénue en femme éclairée.
Assurément une belle réussite. |