Soliloque
écrit et mis en scène par Damiane Goudet, interprété
par Luc Antoni.
Dans le cadre de ses intégrales consacrées à
un auteur, le Théâtre du Nord-Ouest propose également
des spectacles collatéraux avec la présentation
de textes contemporains qui sont l'occasion de divines surprises.
Tel est le cas dans ce cycle Molière avec "La
mort de Don Juan" soliloque écrit et mis
en scène par Damiane Goudet,
parfaite et exceptionnelle réussite qui mérite
absolument d'être découverte, soutenue et louée.
Avec ce texte, Damiane Goudet procède non pas à
une réécriture du mythe de Don Juan mais à
son complètement en ce que sa mort n'est pas l'aboutissement
de son défi ultime - la cristallisation de l'extase pour
dépasser la vacuité de la condition humaine -
mais son commencement. Dans cette démarche, elle suit
le sillon creusé par l'auteur dramatique anglais Howard
Barker qui se trouve également, au même moment,
notamment à l'affiche du Théâtre National
de l'Odéon avec plusieurs opus.
Tout dans ce spectacle est fascinant d'intelligence, de sens
et de beauté.
D'une part, il met en lumière un très beau texte
de grande qualité, écrit dans une magnifique langue
française classique, au sens noble du terme, qui pourrait
se suffire à lui-même par sa portée philosophique
et métaphysique, un texte riche et dense qui embrasse
plusieurs degrés d'analyse et de discours qui dépassent
le côté presque anecdotique du mythe tel qu'il
est véhiculé par les auteurs et qu'il existe dans
l'inconscient collectif, et qui comporte également une
dramaturgie puissante qui l'érige en texte dramatique.
Il révèle en outre une superposition de figures,
le masque de Don Juan, le personnage, l'homme et le comédien,
et offre à l'interprète une partition magnifique
: l'incarnation d'un mythe à travers sa représentation
théâtrale et toute la dimension mystique de l'acte
du comédien.
D'autre part, parfaitement scénographié et mis
en scène comme une pièce de théâtre
nô, qui repose sur une conception aristocratique et religieuse
de la vie, il repose sur un comédien impressionnant tant
par sa technique, par sa maîtrise du texte que par l'émotion
qu'il inspire dont l'interprétation ressortit de l'incarnation.
Luc Antoni, présence palpable,
voix superbe, est ce héros maudit et adulé, ce
désespéré joyeux comme il se décrit,
ce sacrifié qui défie Dieu jusque dans sa miséricorde,
celui dont le châtiment est de n'exister que dans la représentation,
un corps en représentation dans un processus de dévoilement
et de dépouillement.
Avec ce spectacle totalement indispensable, qui révèle
autant un auteur que son interprète et fait accéder
le spectateur à un état supérieur de conscience,
Damiane Goudet réalise totalement sa conception de l'espace
scénique comme "lieu de célébration
dramatique et lumineuse de la vie". |