Le
roman commence par un fait anodin, et cependant inhabituel,
la présence d'une remorque rouge dans le hangar d'une
entreprise de transport que seul le narrateur, le gardien du
lieu, remarque. Bien évidemment puisqu'on est le 24 décembre
et que tous aspirent à regagner leur domicile après
le pot du bureau.
Lui aussi trépigne mais pas pour les mêmes raisons.
Lui, c'est pour ne pas différer une tâche importante
qu'il s'est assignée : recopier l'oeuvre intégrale
de Marcel Proust.
Un illuminé ? Pourquoi ? Il y a bien des personnes qui
recopient, et exposent, les pages du dictionnaire à l'instar
de Gilles Barbier, artiste plasticien, avec son projet de conservation
des pages du dictionnaire. Mais lui en est à sa douzième
série. De quoi s'interroger sinon sur sa santé
mentale du moins sur le désert existentiel dans lequel
il vit même s'il le fait apparemment pour participer à
un concours doté d'un prix conséquent.
Son seul point d'ancrage aussi avec la vie réelle qui
a été chiche avec lui, sans qu'on sache d'ailleurs
s'il en est la simple victime innocente ou si il y a de son
fait. Sa femme l'a quitté quand elle s'est rendu compte
qu'elle ne serait jamais l'épouse d'un brillant avocat,
une rupture brutale et définitive qu'elle a imposé
à leur fils qui, devenu adulte, continue d'ignorer son
existence. Depuis, la majeure partie de sa vie se passe dans
un no man's land, une glauque plateforme logistique implantée
dans une zone industrielle de la région parisienne.
Et, un jour, une remorque rouge qui vient de l'Est, comme un
signe. Et un aimant qui l'attire. D'autant plus que le week
end de Noël ne lui permet pas d"élucider la
raison de sa présence. Un autre signe, un bonnet d'enfant
qui laisse supposer qu'elle recèle peut être d'inattendus
occupants.
Avec "La remorque rouge",
Marie-Gabrielle Duc publie un excellent
premier opus, qui tient de la fiction fantastique et de la fable
métaphysique dont l'anti héros s'appelle Clarque
Kowalski. Il n'y a pas de hasard. |