Choisir
un livre d'un auteur que l'on ne connaît pas, de surcroît
étranger, résulte souvent d'un choix parfois déterminé
par le titre de l'ouvrage; Ainsi en fût-il pour ma part
pour "Le rêve du philologue"
de l'écrivain suédois Björn
Larsson et le hasard ne produit pas toujours heureux.
"Le rêve du philologue" s'avère être
un recueil de nouvelles que la 4ème de couverture présente
comme des nouvelles sur la joie de la découverte"
avec une assertion élogieuse d'un quotidien suédois
qui annonce "une littérature irrésistiblement
humoristique et intelligente sur l'éternelle quête
humaine de la vérité".
Ma connaissance de l'humour scandinave étant vernaculaire
et n'ayant pas vraiment ri à cette lecture je suis bien
en peine de commentaire sur ce point tout en sachant cependant,
que la réputation de la littérature et du théâtre
suédois comme scandinave en général ne
ressortit pas du domaine de la gaudriole, et si humour il y
a, il est plutôt noir.
S'agissant de la quête humaine de la vérité,
il s'agit d'un deuxième ou troisième degré
de lecture. En effet, ces nouvelles, bâties sur un canevas
standard, mettent chacune en scène un personnage qui
a choisi, pour de bonnes mauvaises raisons, d'exercer une profession
scientifique ou dite "savante", qui sort donc de l'ordinaire,
et dont le portrait est brossé à partir de sa
biographie dans un raccourci saisissant proche du CV.
Cette narration purement factuelle, sans chair ni affect, fait
que le "héros" demeure un personnage dont la
préoccupation professionnelle est sous tendue par des
motivations plus personnelles qu'humanistes et l'intrigue est
bâtie sur le mode de l'exercice humoristique du "quel
est le comble de". Et voilà donc l'humour qui pointe
son nez. Seulement il ne s'agit pas d'un humour joyeux.
Ainsi quel est le comble du spéléologue ? Prendre
une fente entre deux rochers pour l'ouverture d'une nouvelle
grotte de Lascaux qu'il serait le premier à découvrir
("Le quitte ou double du spéléologue".
Celui du philosophe libre penseur ? Etre touché par la
grâce divine à la manière de Jeanne d'Arc
("Le philosophe qui eut une révélation").
Et celui de la femme astronome ? Abandonner la conquête
de l'infiniment grand pour se consacrer au maternage de sa progéniture
("L'astronome qui eut d'autres chats à fouetter").
Et ainsi de suite.
Le point commun de toutes ses histoires, et voilà le
deuxième degré, tient à l'argument de l'intrigue
qui tient à illustrer, voire à démontrer,
que, face au vide et au néant, l'homme se berce d'illusions,
voire d'une illusion monomaniaque pour donner un sens à
sa vie.
Tout cela est raconté avec une écriture plate,
lisse, aseptisée, sans aspérité, même
dans les elliptiques moments d'intimité, les personnages
ayant une vie affective des plus réduites, et le caractère
torride des scènes d'amour feraient passer les romances
de Barbara Cartland pour l'Ovidie britannique. Exemple : "Une
fois au lit, ils se serrèrent très fort dans les
bras l'un de l'autre et firent l'amour avec une ardeur qui leur
coupa le souffle. "Nous n'avons plus besoin de préservatif,
n'est-ce pas ? lui demanda-t-elle à l'oreille. "Non"
répondit-il. A la fin de mai, ils eurent la confirmation
qu'Anastasia était enceinte". Peut être un
effet pervers de la traduction mais mon ignorance de la langue
suédoise laissera l'hypothèse non résolue.
Cela étant, le recueil de Björn Larsson se laisse
lire sans risquer la céphalée, produit même
une certaine addiction consentie à la manière
de celle suscitée par la prose de Dan Brown ou le triptyque
millenien de son compatriote et homonyme Stiej Larsson, et même
excite la curiosité pour en avoir le cœur net jusqu'à
l'ultime nouvelle - au titre révélateur ? - "L'écrivain
qui trouva une recette". |