La
grande exposition internationale sur le futurisme organisée
conjointement par le Centre Pompidou, la Tate Modern de Londres
et l'Azienda speciale Palaexpo de Rome,
à l'occasion du centenaire du Manifeste futuriste de
Marinetti qui lança et théorisa le mouvement,
voyage selon un axe Paris-Rome-Londres en connaissant une novation
à chaque étape dans la mesure où le commissaire
sera différent et présentera une approche spécifique.
A Paris, l'exposition intitulée "Le
futurisme à Paris - Une avant-garde explosive"
conçue par Didier Ottinger privilégiait une approche
rétrospective à partir de l'exposition "Les
peintres futuristes italiens" qui s'était tenue
à Paris en 1912 pour présenter notamment un parcours
thématique regroupant les toiles selon les différentes
déclinaisons du mouvement.
A Rome, pour concevoir l'exposition "Futurismo
- Avanguardia-Avanguardie" qui se tient à
la Scuderie del Quirinale, la commissaire
Ester Coen, professeur d'art à
l'Université de Rome et critique d'art, a privilégié
une approche centrée sur le début du futurisme
et les peintres fondateurs, ceux du premier groupe futuriste,
qui initièrent un mouvement d'avant garde d'importance
et d'influence internationales, et ses liens étroits
avec le cubisme.
Dans
une scénographie épurée élaborée
par Daniela Picconi, la monstration
italienne s’articule en deux volets qui s’accommodent
bien de la répartition, sur deux niveaux, des salles
d’exposition du lieu.
L’exposition commence par la présentation des
fondamentaux du Futurisme, ses prémisses et ses lignes
de force sur des cimaises gris métallisé avec
un original double éclairage.
A l‘étage, elle aborde le futurisme in situ dans
son époque, dans une installation white cube scandée
par des sculptures, avec ses correspondances et ses oppositions,
avant-garde chef de file des autres avant-gardes d’où
le titre de l’exposition.
Peindre la sensation dynamique
En 1910, dans la foulée de la naissance du Futurisme
mis au monde par Marinetti, déclaration de guerre contre
la tradition et l’académisme pour célébrer
l’avènement du progrès, de la technique
et du mouvement qui devait révolutionner la vie et l'homme
du siècle nouveau, quatre peintres italiens, Giacomo
Balla, Umberto Boccioni, Carlo
Carra et Luigi Russolo en tirent
les conséquences sur la perception de la temporalité
et de la représentation du monde en signant le manifeste
des peintres futuristes.
La
vision picturale est plus que jamais placée sous le signe
de la lumière mais d’une lumière nouvelle
et différente du fait de la fée électricité.
Elle exacerbe la luminosité, modifie le rapport de la
lumière avec son contraire, l’ombre, bouleverse
le regard et les couleurs investies d’un symbolisme nouveau.
De même pour la vitesse introduite avec les machines
nouvelles qui engendre une vision des choses et impacte sur
la composition picturale dans laquelle s’insère
un état mental effet de l’émergence des
sciences psychiques (Umberto Boccioni
"La risata", "Visioni
simultanee").
Le futurisme c’est aussi un état d’esprit,
une façon nouvelle de percevoir le monde, et d'être
au monde, qui ne peut plus être contemplatif mais dynamique
(Gino Severini "La
danza de pan-pan", Luigi Russolo
"La rivolta").
"La simultanéité des états d'âme
dans l'oeuvre d'art : voilà le but envivrant de l'art"
proclament-ils.
Au
deuxième niveau, face à la tridimensionnalité
et à la fusion spatiale dans la forme et la lumière
prônée par les futuristes (Umberto Boccioni "Antigrazioso",
"Dinasmismo di un corpo umano"), un autre mouvement
majeur, le cubisme et son vocabulaire analytique, initié
par Braque et Picasso, résiste.
Le futurisme originel se décline différemment
selon les pays avec l’orphisme français, qui conjugue
plasticisme et sensibilité, (Raymond
Duchamp-Villon "Il grande cavallo", Sonia
Delaunay "Contrasti simultanei", Robert
Delaunay "Forme circulare-sole n°2",
Frantisek Kupka "Complimenti", "La primitiva"),
le cubofuturisme en Russie avec notamment Kasimir Malevitch
Ljubov Popova, le vorticisme en Angleterre avec Percy Wyndham
Lewis et Christopher Richard Wynne.
En 1914, la première guerre mondiale ramènera
à une réalité plus tragique. |