Comédie
dramatique de Noli, mise en scène de Marianne Groves,
avec Sophie Vonlanthen, Morgan Perez et Jean-Michel Tinivelli.
"Sibylline", titre
à double sens particulièrement judicieux pour
cette pièce atypique et singulière du dramaturge
anglais Noli de même que le
visuel intrigant de l'affiche choisi par Marianne
Groves qui en a assuré la traduction, l'adaptation
et la mise en scène.
Une écriture pour le moins originale, écriture
circulaire pour des déclinaisons surréalistes
de deux scènes, travail formel d'écriture à
partir de dialogues d'une simplissime ordinarité pour
une intrigue banale, un couple et une invitation à dîner
pour un ami prénommé Tom, desquels émergent
subitement non seulement des sous textes inattendus mais également
des télescopages absurdes qui vont amener un sentiment
d'inquiétante étrangeté.
Déjouant sans cesse les frontières entre la réalité
et le fantasme, Noli opère des plongées immersives
dans recoins sombres de l'âme humaine dans lesquels se
nichent de ténébreuses pulsions dont on ne sait
s'il s'agit d'affleurements sous forme de bouffées délirantes
ou d'un jeu de société burlesque pour adultes
avertis.
L'enjeu : la femme bien évidemment, victime toute désignée
d'une coalition séminale ou soumise qui tire les ficelles
d'une couple qui fonctionne sur le mode "push the limits",
à qui Sophie Vonlanthen, tant
au physique que dans le jeu, confère une ambiguité
lynchéenne. Le propos : peut être une trinité
délétère à la manière de
Nietzsche, Paul Rée et Lou Andréas Salomé.
Cette partition burlesque au sens noir du terme, qui n'exclut
cependant pas une certain humour jubilatoire, particulièrement
ardue par les ruptures de ton et de registre pour les comédiens
qui, en l'occurrence, s'en délectent, et en jouent, avec
un appétit féroce, est mise en musique par Marianne
Groves avec le doigté d'un neurochirurgien pour
en extraire tous les sucs.
Sur la scène rouge, ce voyage dadaiste "par delà
le bien et le mal" dans les méandres du désir,
de la perversion et de la mort est balisé par un trio
détonnant : face à la janusienne Sophie Vonlanthen,
Jean-Michel Tinivelli et Morgan Perez laissent ouvert le champ
des possibles. |